L’industrie cinématographique française se prépare à une semaine de débats houleux sur le financement et de négociations tendues sur les fenêtres de financement

Le monde du cinéma français se prépare pour une deuxième semaine de drames à enjeux élevés entre deux industries clésDes réunions à l'échelle de l'essai visent à aborder la question des fenêtres et, dans le même ordre d'idées, le modèle de financement des films indépendants tant apprécié en France.

Après une semaine au cours de laquelle les trois grandes chaînes françaises gratuites ont critiqué les streamers américains dans une lettre au Monde, le CNC a été contraint de défendre son président Dominique Boutonnat, suite à l'annonce de son procès. pour agression sexuelle, et une réaction de l'industrie contre la dernière couverture du magazine influent Le Film Français et son manque de parité et de diversité qui a relancé le débat latent sur la représentation égale dans le cinéma français.

La réticence persistante de l'industrie au changement est de plus en plus remise en question par des changements colossaux dans les habitudes de visionnage du public et par une nouvelle vague d'acteurs du changement cherchant à donner au « 7ème art » du pays une cure de jouvence moderne.

Mardi, les streamers américains, dont le rebelle Disney, affronteront les chaînes françaises gratuites pour tenter de parvenir à un accord sur la chronologie médiatique du pays qui régit le temps d'attente des films avant d'être autorisés à être diffusés sur les plateformes de SVoD. .

Le CNC accueille les streamers américains, les réseaux et producteurs locaux pour entamer une nouvelle phase de renégociations sur les lois françaises sur la chronologie des médias. C'est la prochaine étapel'accord conclu en janvier,notamment signé uniquement par Netflix. La réunion devrait pouvoir prendre la température dans la salle pour révéler la direction dans laquelle se dirigent les négociations.

Cela fait suite à la morsure de la semaine dernièrelettre ouverte écrite par TF1, M6 et France Télévisions in Le Mondequi mettait en garde contre le « diktat interprétatif » des plateformes internationales et appelait l’industrie – en particulier les cinémas – à s’unir pour maintenir en place le système de fenêtres de longue date qui sous-tend la tradition de financement française. La lettre a été motivée en partie par la menace de Disney d'interrompre la sortie en salles de Panthère noire : Wakanda pour toujours en France en novembre et l'envoyer directement sur Disney+, une démarche que les diffuseurs qualifient de « chantage » et de menace pour « la vitalité du cinéma français ».

« C'est une réunion pour lancer des discussions, pas pour signer des accords contractuels », explique Olivier Henrard, directeur général adjoint du CNC. "L'objectif est de créer un calendrier pour poursuivre les négociations et rassembler toutes les parties concernées pour parvenir à une conclusion pacifique."

Selon Henrard, tous les grands acteurs – à savoir « Disney, Prime Video, Netflix, Warner et Paramount Plus, les associations françaises de télévision gratuite et payante, de producteurs et d'écrivains » – ont accepté l'invitation et une cinquantaine de professionnels seront présents au rendez-vous. vous. Le CNC a un rôle de « médiateur » et d'hôte de l'événement à huis clos.

« Gardez le cinéma fort »

Plus tard cette semaine, un petit mais important groupe de cinéastes indépendants et d'organisations se réuniront à l'Institut du Monde Arabe à Paris le jeudi 6 octobre pour discuter de la manière de « rendre le cinéma français à nouveau fort et diversifié dans les années à venir et proposer des mesures concrètes ». pour l’action politique ». Parmi les participants devraient figurer des représentants de l'AFCA (association française du film d'animation), du SDI (association des distributeurs indépendants) et de l'ADEF (association des exportateurs de films), ainsi que d'autres petites associations industrielles, des costumes aux caméras.

Le principal sujet de conversation sera de savoir comment l’industrie peut progresser malgré la lutte des cinémas encore sous le choc des confinements liés au Covid-19 et des changements de comportement des consommateurs.

La réunion a été convoquée suite à une lettre écrite enLe Mondeen mai intitulé « Les choix politiques de nos institutions fragilisent sérieusement le cinéma », qui comptait également parmi ses signatures de premier plan André Techiné et Carole Bouquet.

La lettre accuse le CNC d'adopter une approche « audiovisuelle » du soutien à l'industrie qui favorise les nouvelles plateformes et chaînes de télévision américaines au détriment des productions cinématographiques classiques destinées à une sortie en salles.

Le système français de financement du cinéma, très admiré, repose sur une « avance sur recettes » créée en 1960 et administrée par le CNC. L’idée est simple : une partie des recettes du box-office est consacrée au financement des films à venir. Cela profite à tous les producteurs, mais particulièrement aux productions indépendantes et inédites. Cela signifie que les films français peuvent aller de 60 millions d'eurosLes Trois Mousquetairesau favori des festivals à petit budget d'Alice DiopSaint Omer.La question qui se pose tant au CNC qu'aux producteurs et distributeurs locaux est la même : comment adapter un système qui a fonctionné pendant des années aux nouvelles habitudes de consommation ? La baisse du public des salles de cinéma signifie une diminution des fonds pour les cinéastes et les producteurs.

Bien que le plan de chronologie des médias comprenne une clause de diversité selon laquelle Netflix doit consacrer une partie de son investissement de 40 millions d'euros (45,5 millions de dollars) à des projets dotés d'un budget inférieur à 4 millions d'euros (4,5 millions de dollars), ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan par rapport au " avance sur recettes.

Pendant la pandémie, le CNC a fourni 290 millions d’euros de financement public à l’industrie cinématographique, dont 220 millions d’euros pour les cinémas et 85 millions d’euros pour la production et la distribution. Le CNC vient également d'annoncer une mesure de 4 millions d'euros qu'il présentera mardi à son conseil d'administration, destinée notamment à soutenir les distributeurs par des aides sélectives complémentaires, ciblées notamment sur leurs investissements dans les films à venir.

Ces fonds supplémentaires s'ajoutent à l'extension du fonds de garantie des tournages, tant cinématographiques qu'audiovisuels, mis en place en mai 2020 pour pallier l'absence de garantie Covid par les assureurs traditionnels qui sera confirmée cette semaine.

L'avenir

Au cœur de chacune de ces batailles qui se chevauchent se trouve la question centrale de la réticence de la France au changement, en contradiction avec sa nécessité d'évoluer avec l'évolution des temps et des technologies. Les débats internes qui animent l’industrie française ne sont pas nouveaux et reflètent les problèmes auxquels sont confrontés les professionnels du cinéma du monde entier, à savoir comment l’industrie peut avancer pour entrer dans une nouvelle ère du divertissement.

La chaleur supplémentaire en France est principalement due au fait que, alors que la plupart des dirigeants de l'industrie et même les instances dirigeantes les plus puissantes du pays semblent avoir le désir d'accepter le changement, la structure du système de financement du cinéma est si solide que les initiés de l'industrie Nous craignons que s’il s’effondre, l’ensemble de l’industrie s’effondre durement. Les « réunions » et les « négociations » de cette semaine ne déclencheront pas de signatures de contrats imminentes ni de poignées de main, mais elles seront des signes révélateurs de la température dans la salle et de la santé de l'industrie cinématographique française à l'avenir.