La France réinitialise la chronologie des médias pour l’ère du streaming dans le cadre d’un accord historique

Source : Netflix

La France s'apprête à mettre en œuvre l'une des plus grandes refontes de sa chronologie médiatique notoirement stricte le 10 février, suite à la signature d'un accord historique de trois ans lundi 24 janvier au ministère de la Culture.

Aux termes de cet accord, les plateformes de streaming pourront diffuser des longs métrages sur leurs plateformes dans un délai de 15 à 17 mois après leur sortie en salles, contre 36 mois dans la chronologie précédente. L’écart dépendra de la mesure dans laquelle chaque plateforme est prête à investir dans le contenu cinématographique et télévisuel local.

Netflix était la seule plateforme mondiale de streaming représentée lors de la cérémonie de signature de lundi. Il a obtenu une fenêtre de 15 mois en échange d'un investissement annuel promis de 190 millions d'euros (215 millions de dollars) par an dans le contenu cinématographique et télévisuel français.

L'accord s'inscrit dans le cadre de la transposition par la France de la directive actualisée sur les services de médias audiovisuels de l'Union européenne, remaniant la législation audiovisuelle à l'ère numérique. Dans le cadre de la mise en place du pays, les plateformes de streaming sont obligées de consacrer 20 % de leur chiffre d'affaires en France aux séries et films français et européens et aux programmes non-fictionnels.

Disney+ et Amazon, qui ont également une présence importante et croissante dans le pays, sont soumis aux conditions de transposition mais n'ont pas signé la chronologie médiatique distincte et sont donc soumis à une fenêtre de 17 mois à moins qu'ils ne s'inscrivent eux aussi et ne réalisent des investissements supplémentaires. engagements en matière de contenu local.

Cependant, le grand gagnant pourrait être le géant national de la télévision payante Canal+, après plusieurs années de négociations. Il ne lui faudra désormais plus attendre que six mois avant de diffuser du contenu cinématographique premium sur ses services, contre huit mois dans la chronologie précédente.

Il n'y a eu aucun changement dans la fenêtre pour les diffuseurs gratuits qui reste à 22 mois après la sortie en salles.

Une question qui divise

Les secteurs français du cinéma et de la télévision se battent depuis plus d'une décennie pour l'avenir des strictes fenêtres médiatiques du pays, lorsqu'il est devenu évident qu'Internet allait changer à jamais la façon dont les spectateurs regardent les films et les contenus télévisuels. Avant l'arrivée de Netflix en France en 2014, suivi par d'autres streamers dans son sillage, le débat portait principalement sur le piratage.

La plupart des professionnels de la chaîne de production et de distribution cinématographique ont reconnu qu’à moins que du contenu premium ne soit proposé légalement en ligne et en temps opportun, les gens chercheraient ailleurs, que ce soit via le piratage ou en utilisant des VPN pour accéder à des plateformes situées dans d’autres territoires où le contenu est mis en ligne plus rapidement.

C'est une question qui divise. Alors que les exploitants français considèrent les lois sur la chronologie des médias comme le fondement de l'écosystème complexe de financement et de distribution des films du pays, les ayants droit en France sont de plus en plus frustrés par le fait qu'ils ne peuvent pas exploiter leur contenu selon un calendrier de sortie de leur choix.

La plupart des organismes représentant les professionnels du cinéma – dont le syndicat de producteurs indépendants Le Spi et l'ARP – ont publié lundi une déclaration commune saluant le nouvel accord, affirmant qu'il s'agissait d'un premier pas dans la bonne direction.

"Cet accord représente une nouvelle étape dans l'adaptation de l'écosystème cinématographique aux défis immenses et sans précédent posés par l'arrivée et la croissance rapide des services de streaming", ont-ils déclaré. "Cette nouvelle chronologie médiatique vise à organiser les fenêtres d'exploitation des œuvres sorties en salles, de manière à accroître leur disponibilité et leur valeur globale pour l'ensemble du secteur."

La Société française des auteurs et compositeurs d'œuvres dramatiques (SACD) a toutefois décidé de ne pas signer l'accord. Dans un communiqué, l'organisme a expliqué que, même s'il saluait les innovations concernant les fenêtres médiatiques, il ne pouvait pas s'engager sur son calendrier de trois ans, suggérant qu'il aurait dû inclure un examen d'un an.

"Les évolutions rapides du secteur en termes d'offre, de technologie et de demande entraîneront inévitablement une évolution rapide de la place du cinéma dans l'ensemble des offres disponibles sur le marché français", précise-t-il. "La conclusion de cet accord pour une durée de trois ans apparaît donc à la fois incompréhensible et déraisonnable."

Reste à savoir si la nouvelle fenêtre de 15 mois pour Netflix est suffisamment courte pour l'inciter à embrasser une sortie en salles de certains de ses titres prestigieux en France en échange d'une place convoitée en compétition à Cannes. La plateforme est restée à l'écart du festival lors des dernières éditions – même si les relations entre son délégué général Thierry Fremaux et Reed Hastings et Ted Sarandos de Netflix sont amicales – en raison d'un écart de 36 mois.

Cannes pourrait être un véritable test de la volonté de Netflix de s'inscrire dans le giron français.