
Megan Northam dansPendant ce temps sur Terre.Photo de : Metrograph Pictures
En 2019, l'animateur français Jérémy Clapin a crééJ'ai perdu mon corps, un petit bijou de film étrangement touchant et mélancolique sur une main coupée subissant toutes sortes d'épreuves folles lors de sa traversée de Paris.
Sorti aux États-Unis via Netflix, le film a été un succès en festival acclamé par la critique et a réussi àune nomination surprise aux Oscarspour le meilleur long métrage d'animation (perdant finalement contreHistoire de jouets 4). Le dernier effort de Clapin,Pendant ce temps sur Terre, est un drame en grande partie live-action, mais il conserve l'esprit de l'animation. C'est un film magnifique rempli de compositions saisissantes et de tournures surréalistes – mais l'histoire rapide aurait parfois pu mieux fonctionner dans un médium plus fantaisiste, plus accueillant pour l'abstraction onirique.
Le film présente une performance centrale intrigante dans Elsa de Megan Northam, une jeune femme toujours en deuil de la perte de son frère Franck, un jeune astronaute français qui est allé dans l'espace et n'est jamais revenu. Elsa travaille dans une maison de retraite dirigée par sa mère, mais elle passe ses journées et ses nuits à commémorer Franck et à peindre au pistolet.Fsur les statues de la ville, où son frère est une sorte de héros populaire local. Il s'agit d'un brin de prémisse : mis à part ses efforts de graffiti en sourdine, le chagrin de notre protagoniste se manifeste davantage par une humeur maussade générale que par quelque chose de particulièrement tangible. Avec ses grands yeux intérieurs et son regard perpétuel, Northam transmet efficacement la vie agitée et aveugle d'Elsa. C'est une femme obsédée par quelque chose qu'elle ne peut jamais voir, entendre ou ressentir. Mais ensuite, elle commence à recevoir des messages dans sa tête suggérant que Franck est peut-être encore en vie – qu'il est détenu par des extraterrestres invisibles qui veulent l'échanger contre des corps humains qu'ils pourront ensuite occuper. Nous pouvons commencer à nous demander si Elsa est simplement en train de perdre la tête, même si certains moments d'horreur corporelle à la Cronenberg suggèrent fortement que les extraterrestres sont réels.
Déterminée à ramener Franck, Elsa commence à essayer d'exécuter les ordres des extraterrestres, ce qui ajoute une légère qualité de compte à rebours au récit. (Clapin passe littéralement à un chronomètre à certains moments.) Mais le suspense est tiède et l'approche vaporeuse de l'incident demeure. Certaines scènes sont filmées avec une véritable urgence – y compris une confrontation macabre et violente – tandis que d’autres sont présentées de manière oblique et discrète, sans rime ni raison. Dans le cinéma d'action réelle, la nature tactile du monde, son poids, sa solidité s'imposent à la conscience du spectateur ; psychologiquement, nous devons comprendre pourquoi les scènes sont présentées telles qu'elles sont, même si ce n'est qu'une ambiance plutôt qu'une véritable logique. A l’opposé, l’animation met au premier plan le pictural, qui est sa propre doctrine esthétique. Pour le dire autrement : l’animation peut s’en tirer bien plus en raison de son côté surnaturel inhérent.
Clapin incorpore de jolies séquences animées, impliquant souvent les rêves d'Elsa de retrouver Franck. Le contraste est puissant, attirant l’attention sur le caractère chimérique de sa quête. Mais cela souligne également le défi du réalisateur avec le reste du film. Elsa, on le comprend, doit trouver une issue à son chagrin qui l'empêche d'avancer dans la vie. (En plus de travailler pour sa mère, elle vit chez ses parents dans l'ancienne chambre de Franck.) Ainsi, son désir de ramener son frère n'est pas seulement délirant mais périlleux sur le plan émotionnel. Nous comprenons cela dès le début, et nous comprenons que sa perception de la réalité n'a peut-être pas besoin d'être prise au pied de la lettre, ce qui remet en question une grande partie du récit déjà vague du film. Ce ne sont pas toutes de mauvaises choses. Clapin a réalisé un film qui nous laisse perplexe mais aussi curieux. Là où il trébuche, c'est en évoquant la charge émotionnelle qu'il vise clairement.Pendant ce temps sur Terreest beau, mais aliénant.