
Amy Adams à l'arrivéePhoto : gracieuseté de Paramount Pictures
Ne pas trop ressembler à un extraterrestre qui remue les doigts (« Vos esprits stupides ! Stupide ! Stupide ! » – Eros,Plan 9 depuis l'espace), mais c'est de la pure arrogance de s'attendre à ce que les extraterrestres maîtrisent l'anglais de la Reine dès le départ, et encore moins d'avoir des langues capables de former des phrases comme « Sheila vend rarement des crevettes décortiquées ». Le pleureur d'aventure mystique de science-fictionArrivéefait valoir de manière crédible que vous ne pouvez aller nulle part avec les ET si vous ne savez pas exactement ce qu'ils veulent, et vous ne pouvez pas savoir ce qu'ils veulent si vous ne pouvez pas demander et s'ils ne peuvent pas répondre. Sont-ils là pour nous exterminer ? Pour sauver notre bacon ? Pour nous intégrer à une performance-art intergalactique ? Arrivés dans des coins titanesques qui semblent environ un mile de haut et s'installent - apparemment au hasard - à des endroits partout sur la Terre, ces extraterrestres semblent encore plus Rorschachiens que ceux derrière le monolithe de Stanley Kubrick.
Une grande partie deArrivée- la partie qui colle le plus à sa source, la figure culte de la science-fiction de Ted Chiang "Histoire de votre vie"- est un casse-tête étrange, alléchant et tout à fait superbe. Réalisé par le Québécois Denis Villeneuve, il nous rappelle qu'une grande partie de ce que nous supposons sur la vie en dehors de cette planète est basée sur notre propre culture pop stupide. Dans des films aussi divers queIncendies,Prisonniers,etSicaire,Villeneuve mêle des gros plans pénétrants à des arrière-plans froids et flous pour nous rendre intimes avec des personnages qui tentent de discerner les règles de l'existence dans le vide. L'étrangeté est la seule réalité.
Arrivée'Le héros est le Dr Louise Banks (Amy Adams), professeur de linguistique. C'est une femme en deuil d'une fille perdue, vue dans des aperçus disloquants du berceau au lit de mort à l'hôpital. Adams semble être né pour être Louise. C'est une actrice solide, directe et franche. Mais il y a quelque chose de fragile chez elle, comme si elle avait survécu à un traumatisme et ne parvenait pas à vivre le moment présent. Ses yeux bleus sont d'un bleu extraterrestre, pas entièrement de ce monde. Lorsque Louise entre dans la longue entrée verticale du vaisseau spatial, son corps se tordant sous l'effet des changements de pression et de gravité, elle est clairement engagée dans un voyage de découverte de soi et de connaissances scientifiques.
C'est la partie du puzzle qui nous saisit. Mais il y a une autre énigme, tout aussi insistante : pourquoi Villeneuve et le scénariste Eric Heisserer ont-ils laissé le mélodrame militaire de grade B s'enfuir avec l'histoire ? L’idée principale est qu’un général chinois nommé Shang (Tzi Ma) veut commencer à faire exploser les vaisseaux extraterrestres – et comme nous n’avons jamais de nouvelles du président américain, c’est comme si le sort de la planète entière était entre les mains d’un belliciste stéréotypé.Arrivéene s'effondre pas, exactement. C'est toujours du suspense. Mais les deux parties du film habitent un continuum espace-temps différent.
La raison de cette déconnexion est que l’histoire de Chiang ne concerne pas vraiment une invasion extraterrestre – et encore moins une armée paranoïaque. Il s'agit d'un dispositif permettant de remettre en question la physique newtonienne et le temps linéaire, qu'Einstein a un jour qualifié d'« illusion obstinément persistante ». Ce que Louise réalise, c'est que le simple fait d'apprendre la syntaxe des extraterrestres nécessitera des changements dans notre cerveau – une idée controversée en linguistique mais qui est considérée, par ses partisans, comme nous rapprochant d'une théorie unifiée de la matière. Chiang veut déplacer la frontière de la science-fiction vers la physique quantique.
DansArrivée,Les tentatives de Louise pour discerner cette syntaxe sont mystérieusement tronquées. L'écriture des extraterrestres prend la forme de superbes peintures à l'encre sur des courants d'air qui ressemblent à de l'eau, comme si un calmar avait appris la calligraphie japonaise. Mais la percée de Louise semble se produire lors d'un montage, et elle reçoit malheureusement peu d'aide d'un physicien (Jeremy Renner) qui se transforme en acolyte. La révélation vers la fin est véritablement choquante et les derniers instants sont très émouvants. Mais le public pourrait se demander – comme moi – quel rapport entre le libre arbitre et le déterminisme, a à voir avec le sort de la planète. Le seul argument gagnant serait : « Vos esprits stupides ! Stupide! Stupide!"
*Cet article paraît dans le numéro du 31 octobre 2016 deNew YorkRevue.