Photo: Les Films du Bal/Cinekap/FraKas/Arte France Cinéma/Canal Plus internation

Une nuit à Dakar, une adolescente nommée Ada se faufile hors de la maison pour rencontrer son petit ami, Sulieman, dans un club. Elle est censée se marier bientôt avec un homme plus âgé que ses parents ont choisi pour elle, et cette nuit pourrait être la dernière qu'ils passent ensemble. Alors qu'Ada attend Sulieman au bar, elle réalise une prise de conscience troublante : le club est plein de femmes, et chacune d'elles attend aussi un homme. Les hommes sont tous partis. Ils ont pris un bateau pour l'Espagne et ils ne survivront peut-être pas au voyage.

Ce club à moitié vide est le premier indice que le club de Mati DiopAtlantiques, dont la première a été longuement ovationnée àCannesjeudi, a quelque chose d'un peu plus effrayant en réserve que sa configuration en triangle amoureux ne pourrait l'indiquer. La seconde a lieu lors du mariage qu'Ada (Mame Bineta Sane) a été obligée de vivre, même si son cœur n'y est visiblement pas. Mais la nuit fatidique, la célébration est interrompue : quelqu'un met le feu au lit conjugal. En examinant les lieux le lendemain matin, la police ne trouve rien qui aurait pu déclencher une flamme. Puis quelques filles du club commencent à tomber malades, tout comme l'un des détectives. Le bateau des garçons se retrouve dans l'océan, chaviré. Il n'y aurait apparemment aucun survivant… mais alors pourquoi l'amie d'Ada a-t-elle dit avoir vu Sulieman traîner sur les lieux du mariage ?

La réponse s’avère être enracinée dans les croyances populaires islamiques, et bien queAtlantiquesa parfois l'ambiance d'une histoire de fantômes, les fantômes sont le moindre des problèmes d'Ada. Elle est piégée dans un monde créé par et pour le bénéfice des hommes riches, où les jeunes mariées sont obligées de se soumettre à des « tests de virginité », où les flics écartent une affaire de vol de salaire à grande échelle, et où une jeune femme sans mari se retrouve seule. seul. Selon Diop, les esprits vengeurs sont bien moins effrayants que le patriarcat.

Tout au long, Diop continue de se diriger vers les vagues de l’Atlantique, une masse large et déferlante qui semble contenir toutes sortes de secrets mortels. L’océan est à la fois l’évasion vers une vie meilleure et le mur qui maintient Ada en place. C'est un sujet que la cinéaste a exploré dans son court métrage documentaire du même nom de 2009, dans lequel un groupe d'hommes sénégalais discutait de leur intention d'émigrer ou non.Atlantiquesest le premier long métrage de Diop ; c'est aussi, quelque peu déprimant, le premier film réalisé par une femme noire à concourir dans la programmation principale de Cannes. Mais sa première fois n’aurait pas pu mieux se passer.

Jeudi, à Lumière, la foule s'est mise à applaudir avant même le début du générique de fin et ne s'est pas arrêtée longtemps. Ensuite, à l'extérieur, Sane et le reste du casting semblaient être des stars de cinéma instantanées. Diop a déambulé sur la Croisette avec son mentor, Claire Denis. Il n'y avait pas de matraque, mais il aurait pu y en avoir.

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