
Le mois de mai démarre avec la 15e éditionFestival des Voix du Monde PEN, où les auteurs internationaux investissent New York pour une semaine de panels et d'événements, et se termine par l'annonce duPrix international Man Booker 2019. Pour célébrer un mois riche en littérature mondiale, Vulture présente les réflexions d'un éditeur sur «problème de 3 pour cent» de la littérature traduite ;une rencontreavec l'un des jeunes romanciers les plus passionnants d'aujourd'hui ; et, ci-dessous, un tour d'horizon de 15 grands livres traduits publiés au cours des cinq dernières années.
Séverine, de Rodrigo Rey Rosa, traduit de l'espagnol par Chris Andrews (Yale University Press, février 2014)
Les livres de ce favori guatémaltèque de Roberto Bolaño varient considérablement en ton et en ampleur. Rey Rosa est capable d'explorer les conséquences du crime et les ramifications philosophiques de l'ère moderne, mais dans ce court roman, il choisit de raconter un autre type d'histoire, pleine d'inquiétude et de contrainte. Le narrateur devient obsédé par le personnage principal, une jeune femme ayant un penchant pour le vol dans la librairie qu'il possède. Sa découverte de ses motivations déclenche une série de réflexions interconnectées sur la nature du récit, de la vérité et de la fiction elle-même.—Tobias Carroll
Tramway 83, de Fiston Mwanza Mujila, traduit du français par Roland Glasser (Deep Vellum, septembre 2015)
Il est rare qu'un roman sur des personnages statiques possède autant d'élan que l'œuvre passionnante de cet auteur congolais. Le titre fait référence à une boîte de nuit, située dans un cadre archétypal connu sous le nom de « la Cité-État », dans laquelle se déroule une grande partie de l'action du livre – un lieu où la libération et l'oppression s'entourent avec méfiance. Mujila se concentre sur deux vieux amis, Lucien et Requiem, dont la loyauté est mise à l'épreuve par leurs propres ambitions et les personnages souvent néfastes qui les entourent. La prose de Mujila rassemble des histoires poignantes, des descriptions vivantes et des dynamiques de groupe ; le résultat est à la fois cinétique et obsédant.—TC
Cent ombres, de Hwang Jungeun, traduit du coréen par Jung Yewon (Tilted Axis Press, octobre 2016)
Le premier roman de la Sud-Coréenne – et le premier traduit en anglais – est fascinant et surréaliste. Situé dans un quartier délabré de Séoul avec un avenir incertain, il traite de dilemmes de structure de classe urbaine qui semblent universels, même si le cadre semble assez spécifique. Alors que les personnages centraux s'interrogent sur leur relation hésitante, une série d'événements mystérieux impliquent des ombres qui se comportent bizarrement, accumulant une sorte de poids et de densité. Ces propriétés éthérées – à la fois stables et oniriques – accentuent l’ambiance du roman et contrastent fortement avec le ton par ailleurs réaliste.—TC
Choses que nous avons perdues dans l'incendie, de Mariana Enríquez, traduit de l'espagnol par Megan McDowell (Hogarth, février 2017)
Un grand nombre des meilleures (et franchement, les plus terrifiantes) nouvelles d’Amérique latine sont actuellement écrites par des femmes. Les histoires captivantes de Mariana Enríquez, finalement traduites en anglais l'année dernière, en sont un bon exemple. L'horreur corporelle grotesque – des femmes s'immolant par le feu, une fille qui s'arrache les ongles (désolé !), une drogue qui a terriblement mal tourné – est étroitement liée aux traumatismes d'une société argentine aux prises avec la pauvreté, la corruption, le trafic de drogue et les restes. d'une dictature. Lisez certainement celui-ci avec les lumières allumées.—Luisa Rollenhagen
Les Vingt Jours de Turin, de Giorgio De Maria, traduit de l'italien par Ramon Glazov (Liveright, février 2017)
Il a fallu des décennies pour que ce roman, publié pour la première fois en 1977, soit traduit en anglais. Malheureusement, le livre de De Maria sur les conspirations étranges, les gouvernements fascistes et les personnages menaçants semble tout aussi pertinent aujourd'hui. Des années après qu'une série d'événements horribles et peut-être surnaturels se soient produits à Turin, un écrivain entreprend d'enquêter en interrogeant des témoins et des participants, attirant l'attention de forces sinistres. Les événements qui ont suivi mélangent le viscéral et le métafictionnel, menant à une conclusion tout à fait effrayante. C'est à la fois une métaphore puissante de l'histoire italienne et un thriller paranoïaque pour toute époque, en particulier la nôtre.—TC
Frontière, de Can Xue, traduit du chinois par Karen Gernant et Chen Zeping (Open Letter Books, mars 2017)
Xue a inspiré des éloges enthousiastes de la part de Susan Sontag et Robert Coover pour ses œuvres audacieuses et mercurielles, qui se débattent avec l'identité et le lieu.Frontièrese déroule dans une municipalité fictive connue sous le nom de Pebble Town, dont le nom est la première indication que nous sommes dans un monde plus stylisé que le nôtre. L'arrivée d'une jeune femme nommée Liujin constitue le catalyseur d'un regard multiforme sur les résidents, englobant diverses énigmes philosophiques ainsi que de glorieuses bizarreries. C’est l’une des fictions les plus immersives que vous puissiez rencontrer.—TC
Aller, Aller, Parti, de Jenny Erpenbeck, traduit de l'allemand par Susan Bernofsky (New Directions, septembre 2017)
Chaque fois que la psyché politique s’efforce de trouver un signal dans le bruit, certains romans semblent parfaitement opportuns pour répondre à l’appel. Situé en plein milieu de la crise des réfugiés en Europe en 2015, le roman d'Erpenbeck explore ce qui se passe lorsque la vie d'un retraité allemand croise celle d'un groupe de réfugiés africains. Ce qui pourrait facilement aboutir à un idéalisme kumbaya banal échappe au contraire aux réponses simples, préférant s’attarder dans des espaces difficiles, au milieu de vérités désagréables : dans quelle mesure sommes-nous disposés à bouleverser notre propre confort pour aider un étranger ? Grâce en partie à une superbe traduction, vous n'avez pas besoin d'être chargé de l'histoire allemande pour vous sentir mal à l'aise face à ces questions.—LR
Ville transparente, d'Ondjaki, traduit du portugais par Stephen Henighan (Biblioasis, mai 2018)
Sur le papier, une description grossière du roman de l'écrivain angolais Ondjaki peut sembler intimidante : il place un personnage à la condition surréaliste dans un décor extrêmement réaliste, tandis que sa structure lâche se rapproche parfois plus du vers libre que du récit traditionnel. Mais en racontant l’histoire d’un homme nommé Odonato, qui disparaît lentement, et de la ville chaotique qui l’entoure, Ondjaki prend des risques qui fluidifient réellement le flux. En d’autres termes, il est expérimental sans être rebutant ; il est utile que son histoire soit à la fois extatique et douce-amère. Le langage plonge le lecteur dans le milieu du roman, mais trace également des dimensions inattendues.—TC
Vols, par Olga Tokarczuk, traduit du polonais par Jennifer Croft (Riverhead, août 2018)
Vols, qui a remporté le Man Booker International Prize en 2018, est un livre distinctement structuré qui échappe à une classification facile. Certains de ses chapitres fragmentés sont liés à des sections ailleurs dans le livre, tandis que d'autres apparaissent brièvement, font valoir leur point de vue et disparaissent. Tout au long, Tokarczuk déplace habilement les perspectives de l’intime et des mémoires vers le vaste et historique. Cette œuvre de fiction audacieuse est singulière à la fois parmi les œuvres littéraires récentes et dans l'œuvre propre de Tokarczuk, qui explore des styles littéraires radicalement différents dans chaque livre.—TC
Une maison intacte, de Willem Frederik Hermans, traduit du néerlandais par David Colmer (Archipel, octobre 2018)
« Tant que je n'étais pas blessé, rien ne s'était passé. Il n’y avait jamais eu d’autre personne, ni de mon vivant, ni nulle part dans le monde. Le narrateur anonyme deUne maison intacteest un soldat néerlandais de la Seconde Guerre mondiale. Après que son régiment ait réquisitionné une station balnéaire, il entre dans une maison et se prend pour le nouveau propriétaire, prêt à oublier la guerre. Des problèmes surviennent lorsque les occupants légaux se présentent. Cette nouvelle est un portrait fascinant d’un esprit solipsiste, un rendu scrupuleux de l’érosion de l’empathie humaine qui résonne en ces temps inciviques.—Christophe Byrd
Le trou, de José Revueltas, traduit de l'espagnol par Amanda Hopkinson et Sophie Hughes (New Directions, octobre 2018)
Ce récit féroce de la ténacité humaine prend la dépravation au sérieux. Il raconte l'histoire de trois détenus et des trois femmes qu'ils convainquent d'introduire de la drogue en prison. Tous sont décrits dans un langage tour à tour exalté et vulgaire. Un drogué, la tête penchée sur le côté pour regarder par la petite ouverture de la porte d’une cellule, est comparé à Jean-Baptiste la tête sur une assiette. Ailleurs, une recherche des cavités corporelles devient l’occasion d’une méditation phénoménologique sur la malléabilité du désir. Les phrases fébriles de Revueltas sont aussi concentrées et intenses que celles de Thomas Bernhard ou Hermann Broch.—CB
La mort est un travail difficile,par Khaled Khalifa, traduit de l'arabe par Leri Price (Farrar, Straus & Giroux, février 2019)
De nombreux écrivains syriens écrivent aujourd’hui depuis l’exil – mais pas Khalifa, l’une de ses figures littéraires les plus célèbres, qui vit toujours à Damas.La mort est un travail difficilese déroule aujourd’hui, au milieu d’une guerre brutale dont la plupart d’entre nous font la une des journaux. Trois frères et sœurs doivent voyager quelques heures depuis Damas pour ramener le corps de leur père décédé dans son village natal. Normalement, cela serait une tâche simple, mais en temps de guerre, rien n’est simple. Leur dangereux road trip dresse un portrait précis et sans faille de la psyché d’une famille éclatée et d’un pays brisé.—LR
Le bien viendra de la mer, de Christos Ikonomou, traduit du grec par Karen Emmerich (Archipel, mars 2019)
Que se passe-t-il lorsque tout tourne autour de la question de l’argent – de l’argent que l’on n’a pas ? Pensez aux contraintes qui pourraient vous envahir. Les nouvelles d'Ikonomou décrivent la vie des Grecs confrontés aux conséquences économiques de la crise de la dette. Les personnages de sa fiction découvrent que la pauvreté est un instructeur, un révélateur de profondeurs, un conjurateur de nouvelles identités. Dans cette collection, certains personnages sont endurcis par leurs expériences, certains trouvent du courage et certains se perdent dans des illusions. Chacune de leurs histoires est captivante de la première à la dernière.—CB
Constellations sombres, de Pola Oloixarac, traduit de l'espagnol par Roy Kesey (Soho Press, avril 2019)
Lorsque le premier roman d'Oloixarac a été traduit en 2017 parThéories sauvages, il était clair que l’auteur argentin avait en tête un véritable exploit. Les débuts de la majeure en philosophie étaient une plongée multidisciplinaire et anthropologique profonde dans une histoire de violence telle que encadrée par la dictature militaire argentine. Maintenant, elle est de retour avecConstellations sombres, un roman ambitieux, aussi érudit que le précédent, qui nous présente des explorateurs du XIXe siècle, des pirates informatiques des années 1980 et des chercheurs d'un avenir pas si lointain travaillant sur un projet de surveillance de grande envergure. Ils recherchent tous la même chose : observer, cataloguer et contrôler l’expérience humaine.—LR
Käsebier prend Berlin, de Gabriele Tergit, traduit de l'allemand par Sophie Duvernoy (New York Review Books Classics, juillet 2019)
Tergit était un écrivain par excellence des années folles de Berlin, qui a capturé une ville divisée, sauvage d'hédonisme, de cabarets, de pauvreté abjecte, de multiculturalisme et de la bataille croissante entre fascistes et communistes qui allait définir le destin du continent pendant des décennies. Enfin, son roman fondateur de 1932 – une critique mordante de la politique de l’ère de Weimar qui ne lui a fait aucun ami ; elle a fui les nazis un an plus tard – paraîtra en anglais, et Tergit pourrait obtenir la reconnaissance mondiale qu'elle mérite.—LR