« Serviam – Je servirai » : revue de Sarajevo

Une école conventuelle effrayante sert de décor au thriller d'horreur de Ruth Mader

Réal : Ruth Mader. Autriche. 2022. 106 minutes.

Le dernier d'une longue lignée de films dépeignant des comportements impies derrière les murs d'un couvent,Serviam — Je serviraivoit la réalisatrice/co-scénariste autrichienne Ruth Mader chevaucher les modes art et essai et genre avec des résultats variables. Se déroulant dans une école d'élite dirigée par des religieuses pour préadolescentes dans les années 1980, l'image au surnom encombrant (dont le sous-titre allemand original,je veux servir, se traduit en fait par « Je veux servir ») met en vedette Maria Dragus, une créature effrayante et fiable, dans le rôle d'une sœur anonyme avec des idées peu orthodoxes sur la façon de rapprocher ses protégés de Dieu.

Un exercice résolument pessimiste dans des atmosphères maussades

Sa première quasi simultanée dans les compétitions principales à Locarno et à Sarajevo constitue une sorte de rampe de lancement élégante, même si l'ambiance d'image d'effroi dominante - fortement soulignée tout au long par la partition intrusive de Manfred Plessl - rend le troisième long métrage de fiction de Mader principalement intéressant pour les festivals et plates-formes orientées vers l’horreur et les genres connexes.

Elle retrouve le co-scénariste Martin Leidenfrost, son collaborateur sur ses débuts social-réalistesLutte(2003) et inspiré de la science-fictionOrientation de vie(2017). (Mader est loin d'être prolifique, son seul autre long métrage étant le documentaire de 2012Qu'est-ce que l'amour.) Leur scénario suit un modèle familier, parfaitement illustré par celui de Dario Argento.Soupirs: un nouvel élève arrive dans un établissement scolaire, découvre rapidement que quelque chose ne va pas, la tragédie survient, le protagoniste creuse plus profondément et finalement une solution est trouvée.

La nouvelle venue ici est Sabine – jouée avec une maîtrise de soi impressionnante par la débutante Leona Lindinger – qui partage à contrecœur la sensible et très intimidée Sandy (Anna Elisabeth Berger). Cependant, le centre de l'inquiétude croissante de Sabine est Martha (Sophia Gomez-Schreiber), l'élève préférée de la sœur rigide et pieuse, semblable à un automate. L'instruction de ce dernier consiste notamment à fournir à la jeune fille une douloureuse « ceinture de pénitence » faite de fil de fer crocheté ; les deux hommes poursuivent le concept catholique résolument old-school selon lequel l'expérience corporelle de la douleur du Christ rapproche le malade de la compréhension et de la grâce divines.

Mader évoque efficacement l'aura requise de claustrophobie malsaine, considérablement renforcée par la conception de la production de Renate Martin et Andreas Donhauser (alias « Donmartin Supersets »). Ce n’est que dans les dernières secondes que l’action s’éloigne des limites du couvent – ​​un bâtiment moderne et géométrique en blocs de gris pâle, de bleus délavés et d’une austérité soigneusement oppressante. Les détails d'époque concernent principalement les vêtements et les coiffures arborés par les parents des filles, aperçus par intermittence, le seul anachronisme choquant étant le genre de valise à roulettes qui n'est devenue monnaie courante qu'au 21e siècle.

En tant qu'exercice résolument pessimiste dans des atmosphères maussades,Serviam — Je servirairéussit le rassemblement. Les visuels de Christine A. Maier (qui déploient souvent des compositions symétriques et quasi-symétriques) font écho à l'esthétique familière des auteurs autrichiens les plus éminents de ces dernières années, de Michael Haneke à Ulrich Seidl en passant par Jessica Hausner.

Ces parallèles superficiels sont cependant trompeurs : la partition discrètement inquiétante, en tandem avec le montage de Niki Mossboeck, oriente rapidement les débats vers un terrain dramatique plutôt flashy et plus éclatant. (Ce n'est pas un hasard si l'utilisation la plus efficace de la musique est « d'emprunter » un morceau pour piano de Schubert à l'œuvre de Kubrick.Barry Lyndon.) Et même si Mader se plaît à flirter avec les conventions bien établies de l'horreur et du thriller, ses s'en écarter sont parfois peu judicieux — comme l'interpolation occasionnelle de séquences animées fantastiques (du Studio Urbanek) qui jouent comme des hallucinations théologico-métaphysiques.

Plus problématique est le point culminant, qui amplifie l'ambiance sinistre et menaçante à un degré angoissant, mais ne parvient pas ensuite, de manière frustrante, à délivrer le genre de catharsis du Grand Guignol - voir l'ouvrage de Paul Verhoeven.Béni– ce à quoi le spectateur a été amené à s’attendre.

Sociétés de production : epo-film, Ruth Mader Filmproduktion

Ventes internationales : Playtime,[email protected]

Producteurs : Dieter Pochlatko, Jakob Pochlatko, Ruth Mader

Scénario : Ruth Mader, Martin Leidenfrost

Photographie : Christine A. Maier

Scénographie : « Donmartin Supersets » (Renate Martin, Andreas Donhauser)

Montage : Niki Mossboeck

Musique : Manfred Plessl

Acteurs principaux : Maria Dragus, Leona Lindinger, Anna Elisabeth Berger, Sophia Gomez-Schreiber, Petra Morze