« Petite Maman » : Revue berlinoise

Céline Sciamma explore les liens fragiles mère-fille dans ce long métrage délicat

Dir-scr. Céline Sciamma. France. 2021. 72 minutes

Avec son dernier film – son deuxième projeté à Berlin – Céline Sciamma revisite un thème qui a préoccupé une grande partie de son travail : les moments de transition de l'enfance. Mais pendant que, commeNénuphars, garçon manquéet son scénario pourMa vie de courgette, Petite Mamanest raconté à travers les yeux de son enfant protagoniste, il y a une harmonie mineure dans la narration – la présence tacite d'un point de vue adulte reconnaissant la distance intensément ressentie qui peut surgir dans la relation entre une fille et sa mère. Il y a un côté féerique dans cette histoire d'une petite fille qui, après la mort de sa grand-mère, rencontre une autre fille dans les bois. À l’image de sa toile de fond boisée et tachetée, le film est d’une beauté pensive plutôt que d’un drame volatil.

Un moment de connexion intemporel et suspendu entre les deux vies

Cette subtilité d'approche pourrait voirPetite Mamandu mal à égaler le poids commercial art et essai de PortraitD'une dame en feuouJeunesse,malgré la pandémie. Mais son attrait doux et son sens du mystère taquin devraient séduire le public pour lequel le nom de Sciamma est un argument de vente clé, à la fois dans d'autres festivals et dans le cadre d'une sortie en salles.

Nelly (Joséphine Sanz), une petite fille de huit ans, pleine d'assurance, fait ses adieux solennellement aux résidents de l'EHPAD dans les chambres adjacentes à celle de sa défunte grand-mère. Mais, explique-t-elle à sa mère Marion (Nina Meurisse), elle pleure de ne pas avoir pu dire au revoir dignement à sa grand-mère « parce que je ne savais pas que c'était la dernière ». Marion, quant à elle, est aux prises avec son propre chagrin. Il y a un lien entre la mère et la fille, mais aussi une déconnexion. À l’heure actuelle, c’est l’enfant qui s’occupe de l’essentiel. Elle donne des collations à sa mère pendant qu'elle conduit, l'encourage à parler du passé, de ses peurs nocturnes et de la tanière qu'elle a construite dans les bois qui s'est déroulée devant la porte de sa maison d'enfance francilienne.

Nelly, sa mère et son père aimable mais flou (Stéphane Varupenne) séjournent pour la dernière fois à la maison, emballant les restes de la vie de sa grand-mère dans des cartons et des sacs poubelles. C'en est trop pour sa mère, qui retourne au domicile familial, laissant Nelly et son père finir.

Puis un matin, Nelly rencontre une fille de son âge dans les bois. Marion (Gabrielle Sanz) lui ressemble, mais il y a une étincelle entre elles qui va plus loin que leurs étranges similitudes physiques. Ils jouent de la même manière, dans les mêmes espaces. Il pourrait presque s’agir de la même personne.

La cinématographie souple de Claire Mathon évoque un moment de connexion intemporel et suspendu entre les deux vies, lié à un chemin bordé de feuilles à travers les bois. Avec une musique réduite au minimum, l'atmosphère d'enchantement tranquille du film est créée à travers les paysages sonores et la conception des espaces que les deux filles habitent, à quelques nuances de couleurs l'une de l'autre (le monde de Marion est baigné de rose, celui de Nelly est plus cool, plus discret).

C'est une démarche qui demande beaucoup aux deux jeunes comédiennes, sœurs jumelles dans la vraie vie. Mais Sciamma a toujours eu un don pour attirer des moments de magie auprès des enfants artistes, et ici il est utilisé efficacement. Une séquence de préparation de crêpes est un délice vertigineux, mais c'est dans les moments les plus calmes que Sciamma exploite la profondeur émotionnelle du film.

Société de production : Lily Films

Ventes internationales : mk2 Films[email protected]

Producer: Bénédicte Couvreur

Montage : Julien Lacheray

Cinematography: Claire Mathon

Scénographie : Lionel Brison

Musique : Jean-Baptiste de Laubier

Main cast: Joséphine Sanz, Gabrielle Sanz, Nina Meurisse, Stéphane Varupenne, Margot Abascal