« Une Chiara ? : La critique de Cannes

Réal/wr : Jonas Carpignano. Italie/France. 2021. 121 minutes.

Ayant développé une marque immersive de néo-néo-réalisme dans deux films frais et touchants,méditerranéenetUne Ciambra, le réalisateur italo-américain Jonas Capignano repousse les limites de sa créativité dans ce qu'il déclare être le troisième et dernier volet d'une trilogie se déroulant à Gioia Tauro, une ville calabraise en proie au crime organisé et au déclin économique. Centré sur une jeune fille de 15 ans issue d'une famille apparemment heureuse qui découvre que son père n'est pas ce qu'il semble être, AÀ Chiarareprend certaines des techniques immersives désormais familières de Carpignano ? travailler avec un talent d'acteur brillamment naturel mais non formé (Swamy Rotolo) et l'entourer de membres de sa famille qui jouent en partie eux-mêmes, en partie des personnages créés par le scénariste-réalisateur.

L'ambition de Carpignano dépasse parfois ses capacités

Carpignano est plus ambitieux artistiquement cette fois-ci, créant une vision teintée d'horreur d'une terre ravagée obligée de vivre au-delà de la loi et au-delà des limites d'une manière à la fois littéralement et métaphoriquement souterraine. Un luminaire de la barre latérale de Cannes (À Chiarafait ses débuts, commeUne Ciambra, à la Quinzaine des Réalisateurs), Carpignano ne peut pas s'appuyer ici sur le « cadre produit par Martin Scorsese » ? imprimatur de ce film ? qui est également devenu la sélection italienne aux Oscars 2018. Mais ce dernier devrait néanmoins bénéficier d'une belle diffusion art et essai en Italie, en France (où Haut et Court distribue) et dans quelques autres territoires.

À ChiaraLes seuls obstacles seront, premièrement, le fait que le contexte mafieux du film peut sembler plus familier au public sur le plan cinématographique queUne Ciambra?s un aperçu de la vie quotidienne d'une communauté rom calabraise ; et deuxièmement, l'ambition de Carpignano dépasse parfois ses capacités. Il y a des moments où le craquement des engrenages peut presque être entendu lorsque le réalisateur passe à ce nouveau registre allégorique élargi, des moments où nous aspirons à un peu plus de profondeur dans l'exposé du film sur le fonctionnement interne de la Şndrangheta calabraise, et des scènes dans lesquelles la fraîcheur du travail d'improvisation du réalisateur avec les acteurs ne masque pas vraiment un manque de développement des personnages.

Mais l'intensité de la performance centrale de Swamy Rotolo et l'engagement fougueux de l'histoire envers son personnage balayent la plupart de ces arguties. Comme dansméditerranéen, qui suivait un migrant burkinabé, etUne Ciambra,dont le centre d'intérêt était un adolescent rom plein de ressources,À Chiaratire une grande partie de son pouvoir de sa loyauté indéfectible envers le point de vue de son protagoniste titulaire. Comme beaucoup de filles de son âge, Chiara fait preuve d'une assurance arrogante et d'un caractère rebelle ; comme chez beaucoup de filles de son âge, il y a une naïveté et une vulnérabilité juste en dessous.

La première demi-heure du film est essentiellement occupée par une longue scène se déroulant au 18èmefête d'anniversaire de la sœur aînée de Chiara, Giulia. Papa Claudio est beau et calme, adoré de ses filles, qu'il traite avec affection et galanterie solennelle. Mais son refus d'improviser un hommage d'anniversaire en rimes à Giulia dans la tradition calabraise, à sa grande déception, déclenche un avertissement. C'est une forme d'omertà domestique, celle qui nous rappelle quand ? après l'explosion d'une voiture garée devant la maison familiale ? Claudio disparaît tout simplement, ou plutôt s'effondre.

Contre l'avis de sa mère et de sa sœur aînée, Chiara, qui a entre-temps découvert ce que fait réellement son père, décide de le retrouver et de l'affronter. Cela l'emmène dans une série de cachettes souterraines ? tous abandonnés, sauf un ? alors que le film commence à injecter une note sombre de conte de fées (à son meilleur dans une scène se déroulant sous une pluie battante) dans son registre réaliste et granuleux, s'appuyant même sur des effets spéciaux dans quelques séquences de vision de rêve. Un montage elliptique aux deux tiers du début, lorsqu'une assistante sociale propose à Chiara une issue de secours, laisse même ouverte la possibilité que les scènes les plus sombres du film ? dans lequel elle est enfin confrontée à ce que signifie travailler pour la ?ndrangheta ? peut-être une sorte de « portes coulissantes » ? vision qui ne s’est jamais réellement produite.

Performances de camée des deuxUne Ciambra?s mène Pio Amato etMéditerranéen?s Koudous Seihon bindÀ Chiaraaux deux parties précédentes de la trilogie, mais les liens sont plus lâches, avec une intrigue secondaire qui voit Chiara défigurer une fille rom se sentant un peu mince et artificielle. Un autre élément familier est la bande originale de Benh Zeitlin, ami réalisateur/compositeur de Carpignano, avec Dan Romer. Discret au début, il gagne en intensité à mesure que l'histoire devient plus sombre et que le dialecte calabrais devient plus impénétrable.

Sociétés de production : Stayblack Productions

Ventes internationales : MK2,[email protected]

Producteurs : Jon Coplon, Paolo Carpignano, Ryan Zacarias, Jonas Carpignano

Scénographie : Marco Ascanio Viarigi

Montage : Affonso Gonçalves

Photographie : Tim Curtin

Musique : Dan Romer, Benh Zeitlin

Acteurs principaux : Swamy Rotolo, Claudio Rotolo, Grecia Rotolo, Giorgia Rotolo, Antonio Rotolo, Vincenzo Rotolo, Carmela Rotolo