Les frères Dardenne ? le dernier en date est une étude tendue d'un fervent musulman de 13 ans.
Dirs/Scr: Jean Pierre and Luc Dardenne. Belgium, France. 2019. 84mins
La sentimentalité qui s'est glissée dans les films récents des frères Dardenne est balayée dansLe jeune Ahmed(Le Jeune Ahmed). Ici, ils ont créé un drame réaliste et social convaincant centré sur un adolescent inflexible dans son adhésion au fanatisme religieux. Ciblé et stimulant, il doit être accueilli comme un retour en forme après la déception deLa fille inconnue.
Il y a urgence àLe jeune Ahmed, non seulement dans la personnalité du personnage mais dans la façon dont les événements dégénèrent rapidement
Les Dardennes ont constamment conquis nos cœurs auprès de ceux qui sont incompris ou marginalisés par la société dominante. Ce sont les champions des outsiders. Le défi ici est de nous faire au moins comprendre l’impensable. Ahmed (Idir Ben Addi) est un jeune studieux de 13 ans. Aux cheveux bouclés, à lunettes et effacé, il est soudain devenu un jeune homme en colère. L'Imam Youssouf (Othmane Moumen) encourage son dévouement absolu au défi d'être un vrai musulman ; il refuse de porter des manches courtes et est devenu obsédé par ses ablutions et ses prières.
Ahmed est entouré d'une famille et d'amis qui ne partagent pas son dévouement. Leur simple présence est un affront et est devenue une conspiration contre lui. Il semble mépriser une mère (Claire Bodson) qui ne porte pas le hijab et boit de l'alcool. Il dit à sa sœur qu'elle s'habille comme une salope et il est en conflit constant avec sa bien intentionnée institutrice Inès (Myriem Akheddiou). « Un vrai musulman ne serre pas la main d'une femme » déclare-t-il, repoussant sa dernière avance.
Ahmed, le visage impassible d'Idir Ben Addi, est un personnage menaçant. Ses caractéristiques révèlent très peu de choses. Le courage fervent de ses convictions fait que la tromperie semble lui venir facilement. Pourtant, alors que la caméra le suit, elle capture un individu dans un tourbillon constant d’anxiété et d’incertitude. On lui dit à plusieurs reprises que son professeur est apostate, il décide que la preuve la plus solide de sa foi est de la tuer.
Sous la direction serrée de Tristan Meunier, il y a urgence àLe jeune Ahmed, non seulement dans la personnalité du personnage mais dans la manière dont les événements dégénèrent rapidement. Comment la société parvient-elle à atteindre quelqu’un que nous avons toutes les raisons de craindre ? La tentative de comprendre Ahmed passe souvent par ses conversations avec les femmes qui l'entourent. Une caméra statique installée pour un traditionnel deux plans nous permet d'absorber ses rencontres avec son professeur, sa mère, une psychologue et Louise (Victoria Bluck) la jeune fille à la ferme où il est envoyé dans le cadre de sa rééducation. Chaque conversation révèle davantage son état d'esprit mais nous rappelle souvent qu'il n'est encore qu'un garçon qui peut aspirer au réconfort de l'étreinte d'une mère ou se laisser tenter par le baiser d'une jeune fille.
Ahmed est un individu complexe, qui suscite à la fois compassion et prudence. Il y a un élément de thriller dans le film, mais les frères Dardenne évitent rigoureusement le mélodrame ou l'histrionique tout en laissant l'histoire se dérouler. Une sonate pour piano de Schubert fait partie de la musique déployée comme contrepoint au drame à l'écran et un dernier coup du sort rend l'avenir d'Ahmed irrésolu mais laisse au spectateur de nombreuses réflexions.
Production companies: Les Films Du Fleuve, Archipel 35
Ventes internationales : Wild Bunch[email protected]
Producers: Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Denis Freyd
Photographie : Benoît Dervaux
Montage : Tristan Meunier
Scénographie : Igor Gabriel
Casting principal : Idir Ben Addi, Olivier Bonnaud, Myriem Akheddiou, Claire Bodson