Le drame nostalgique et introspectif du confinement d'Olivier Assayas est vaguement basé sur la propre vie du réalisateur
toi. Olivier Assayas. France. 2024. 105 minutes
Livraisons Amazon à n'en plus finir, vidéos pédagogiques sur le lavage des mains, modes de cuisson obsessionnelles (pain au levain ailleurs ; en France, apparemment, crêpes) ? Vous vous souvenez de ces étranges premiers jours de la pandémie ? Olivier Assayas le fait, et les documente si minutieusement ? et, d'une manière étrange, avec nostalgie ? que sa candidature au Concours de BerlinTemps suspendupourrait peut-être être le premier film d’époque du cinéma sur le confinement précoce.
Peut-être pourrait-il s'agir du premier film d'époque du cinéma sur le confinement anticipé
En réalité, le film est plus que cela : un mémoire poétique, une comédie fragile sur les tensions familiales, un jeu jouant sur les registres jumeaux du récit et de l'autobiographie, dans la tradition de ce genre littéraire français appelé « autofiction ». Mais malgré des performances engageantes, le film est un peu trop introspectif pour avoir un attrait significatif en dehors d'un circuit francophile dévoué, tandis que le contenu de la comédie dramatique est un peu mince pour vraiment engager ? surtout selon les standards d'Assayas, à son meilleur l'un des auteurs français les plus imprévisiblement inventifs.
Le film commence par une voix off d'Assayas lui-même, nous présentant son décor, le village de Montabé dans l'Essonne, au sud de Paris, où se trouve la maison d'enfance du réalisateur. C'est un milieu rural idyllique qui, comme le montre un montage de clichés d'Eric Gautier, collaborateur de longue date d'Assayas, ressemble aux peintures sacrées et tachetées de soleil de l'époque impressionniste. En effet, l'un des thèmes explicites envisagés par Assayas est le besoin du cinéma de renouer avec la nature, comme dans l'œuvre de Monet.
C'est dans cette maison d'enfance que le cinéaste passe les premiers jours du confinement en avril 2020 ? ou, si ce n'est pas tout à fait Assayas lui-même, alors son alter ego Paul, joué par Vincent Macaigne (qui a contribué à une imitation irrésistible des modèles de discours d'Assayas dans la récente série télévisée du réalisateurIrma Vep). Paul, comme Assayas critique de cinéma devenu réalisateur, est coincé pendant trois mois de confinement dans la vieille maison familiale bordée de livres avec son frère Etienne (Micha Lescot) ? qui, comme le propre frère du réalisateur Michka Assayas, est critique rock et animateur. Les frères, tous deux divorcés, sont accompagnés de leurs copines ; respectivement, la documentariste Morgane (une performance dynamique du mannequin Nine d'Urso, actuellement dans une série télévisée biopic sur la modeChristophe Balenciaga) et Carole (Nora Hamzawi, déjà vue aux côtés de Macaigne dans Assayas 2018Non-fiction).
Il ne se passe pas grand-chose, comme il sied à un drame de confinement. Les hommes deviennent névrosés face à leurs diverses obsessions ? faire des crêpes dans la valise d'Etienne, une marmite brûlée et de multiples soucis d'hygiène pour Paul. Ce dernier parle sur son iPhone à son thérapeute (Dominique Reynaud), et Etienne enregistre son émission de radio, y compris un hommage au regretté claviériste des Stranglers Dave Greenfield, une des premières victimes de Covid-19. Elles parlent aussi avec enthousiasme de ceux qu'elles ont connus sur la scène punk parisienne de la fin des années 70, tandis que les femmes lèvent les yeux au ciel avec une tendre indulgence. Aucun des personnages féminins ne s'inscrit aussi fortement que les hommes ? malgré un fil de discussion impliquant le doc putatif de Morgane sur Flaubert ? et c'est un soulagement vivifiant lorsque l'ex-cinéaste de Paul (Maud Wyler) lui répond, en ligne puis en personne, avec beaucoup moins de douceur.
Intercalé entre les épisodes dans et autour de la maison ? notamment les dialogues irritables de Paul avec son frère groover décontracté et vieillissant ? sont des passages en voix off, parfois avec des inserts dramatisés en noir et blanc, dans lesquels Assayas réfléchit à sa propre enfance, ses années d'étudiant et son premier amour, impliquant une femme vue dans des nus en noir et blanc artistiquement flous. Il est difficile de savoir dans quelle mesure ce qu'il raconte sur un ton mélancolique est strictement vrai, ou dans quelle mesure il s'agit d'un jeu. Mais ce qui est incontestablement authentique, c'est l'érudition cinématographique, musicale et littéraire d'Assayas, avec peut-être trop de noms évoqués (Modigliani, Boileau, Villon, Renoir).père et fils) pour rendre le film tout à fait accueillant pour des spectateurs qui n'ont peut-être pas eux-mêmes autant de capital culturel à balader avec désinvolture.
Bien sûr, comme à la télévisionIrma Vep, où Macaigne, toujours observable, l'a ridiculisé sous sa forme de substitution, Assayas s'envoie-t-il ? tout en étant extrêmement sérieux sur la mémoire et le patrimoine (le monologue d'ouverture est aussi proustien que le cinéma français contemporain l'est). Un autre nom abandonné est Quentin Tarantino, dont les frères s'enthousiasment ? mais un cinéaste qui est plus susceptible, inévitablement, de venir à l'esprit des téléspectateurs est Woody Allen, dont le névrosisme cultivé trouve un écho alors que les frères reviennent à l'irritation mutuelle de l'enfance. Malheureusement, même si Macaigne travaille avec confiance son personnage de nerd génial, la comédie des manières n'apparaît jamais aussi clairement qu'on pourrait l'espérer de la part d'un réalisateur dont le mode comique peut être agréablement tranchant.
Peut-être est-il déraisonnable d'attendre trop de finition ou de clôture d'un film qui a essentiellement la sensation d'une expérience hybride de fiction et de journal intime, et qui vise ? plutôt réussi ? pour capturer l'ambiance irréelle d'un moment en dehors du flux normal de l'histoire. MaisTemps suspendu, bien qu'intrigant en tant qu'autre volet du cours continu et libre du canon d'Assayas, ne constitue jamais tout à fait une pièce autonome convaincante.
Sociétés de production : Curiosa Films, Vortex Sutra
Ventes internationales : Playtime[email protected]
Producteurs : Olivier Delbosc, Olivier Assayas
Scénario : Olivier Assayas
Photographie : Éric Gautier
Editor: Marion Monnier
Production design: François-Renaud Labarthe
Main cast: Vincent Macaigne, Micha Lescot, Nine D?Urso, Nora Hawzawi, Maud Wyler