"Climax": Revue de Cannes

Gaspar Noé revient avec un hybride street dance/horreur sans compromis.

Dir. Gaspar Noé. France. 2018. 95 mins

La vague française du cinéma extrême s'est étrangement calmée ces derniers temps, et même la figure de proue du mouvement, Gaspar Noé, semblait s'être adoucie ? son film sexuel en 3D de 2015Amourressemblant plus à un morose dépressif qu'à un personnage conflictuel auquel on s'attendait. Soyez assuré que le diablotin du pervers du cinéma français a retrouvé son mojo distinctement méchant avecClimax, un film fulgurant, extrêmement dérangeant et tout à fait nouveau ? un film de street dance psychotrope qui se transforme en voyage d'horreur orgiaque.

Une expérience extraordinairement intense qui semble à la fois se délecter et dévaloriser la culture hédoniste qu'elle dépeint.

C'est Noé qui donne libre cours à son génie malin, et les fans trouveront ça génial. Soyez prévenus des sensibilités plus délicates ; il y a des moments ici qui font la renommée de NoéIrréversibleressemble à un exercice d’assouplissement.

Un prélude autonome nous donne une vue aérienne d'une femme en détresse rampant sur la neige, sur la version synthétisée mal à l'aise d'Eric Satie de Gary Numan. Noé présente ensuite son casting ? un grand groupe de jeunes danseurs multiethniques et polysexuels, vus en vidéo interviewés sur leurs aspirations, leurs rêves et leurs cauchemars. Nous les voyons sur un écran de télévision encadrés par divers livres et couvertures VHS qui fournissent des indices sur les inspirations de Noé : de Buñuel et Dario Argento au philosophe catastrophique roumain EM Cioran.

Vient ensuite ce qui est effectivement la section Paradis de ce Jardin des Délices Terrestres. Devant un immense drapeau français scintillant, les danseurs ? à la fin d'un camp d'entraînement dans une ancienne école isolée ? faites une routine étonnante et sous haute tension sur une version dynamisée du classique disco « Supernature », suivi d'autres sons joués par Daddy (DJ et producteur Kiddy Smile). Leurs styles différents sont extrêmement cinétiques, souvent hyper chargés sexuellement, et la séquence est d'autant plus éblouissante qu'elle est tournée en une seule prise prolongée. L'effet monoprise ? bien que l'on soupçonne que c'est truqué grâce à des fouets astucieux ? continue alors que les danseurs se détendent, discutent et se servent de la sangria fournie par l'organisatrice de la troupe Emmanuelle (Claude Gaujan Maull), qui a imprudemment amené son jeune fils pour s'amuser.

S'ensuit une série de dialogues entre les danseurs, établissant les personnages et leurs sexualités. Deux hommes discutent des femmes qui leur plaisent avec des détails graphiquement machistes, un jeune homme nommé David (Romain Guillermic) apparaît comme un super-étalon autoproclamé et une femme s'impose comme la probable Final Girl de ce qui va suivre ? le vampire Selva, maître de lui-même. Elle est interprétée par la seule figure connue parmi un casting d'inconnus, la danseuse/actrice algérienne Sofia Boutella (vue dansRoiet véhicule Tom Cruise récentLa Momie).

Cela fait environ 45 minutes que le film s'écoule avant que Noé ne nous frappe avec une tempête sinistre de titres d'ouverture dans diverses polices stylisées de style club, le réalisateur se décrivant à juste titre comme un visage souriant effrayant et déformé. C'est son signal que la fête est terminée et qu'il est temps de descendre en enfer. Alors que la sangria acidulée commence à faire son effet, les fêtards commencent à se sentir étranges ? et agissant encore plus étrangement. La violence éclate lorsqu'ils s'accusent mutuellement d'avoir dopé la boisson, et d'autant plus que les tensions sexuelles explosent ; une scène de violence entre femmes est particulièrement difficile à regarder.

Le sentiment de paranoïa et de claustrophobie monte alors que la caméra de Benoît Debie explore les couloirs labyrinthiques à la lumière sinistre de l'école, parfois à l'envers, laissant le spectateur aussi désorienté et énervé que les protagonistes. Au milieu des longues séquences, il y a un moment de tour de force extraordinaire pour Boutella, alors que Selva traverse une série d'agonies gymnastiques en solo.

Fidèle à son habitude, Noé est tout simplement sadique envers ses personnages et le public ? un coup de couteau particulier étant la façon dont les cris terrifiés d'un enfant se transmettent à travers la conception sonore complexe de Ken Yasumoto. Alors que l'action est plongée dans une ombre rougeoyante, l'atmosphère infernale est à son paroxysme et les événements deviennent d'une obscurité inquiétante. Une coda du lendemain semble évoquer des fantasmes paranoïaques de mythes urbains.

Apparemment basé sur des événements survenus en France en 1996, le film produit un effet troublant et déroutant. C'est une expérience extraordinairement intense qui semble à la fois se délecter et déprécier la culture hédoniste qu'elle dépeint ? il y a quelque chose du sensationnalisme apparemment anti-drogue de Reefer Madness à ce sujet. Comme si souvent, on a l'impression que Noé exagère parfois sa main rhétorique, à travers une série de blagues à l'écran et de légendes interpolées de marque de la sinistre philosophie des biscuits de fortune (« LA VIE EST UNE IMPOSSIBILITÉ COLLECTIVE ? »).

Vous pouvez émerger deClimax, comme après une soirée en boîte de nuit, se sentant brisé et se demandant à quoi ça servait. Mais on ne peut nier la maîtrise de Noé et de son équipe, et le talent extravagant de son casting. Ils dansent avec un brio spectaculaire, individuellement ou en troupe, et se révèlent des acteurs détendus et pleins de caractère, improvisant parfois mais travaillant avec un sens du timing extraordinaire. La chorégraphie de Nina McNeely n'est peut-être que l'élément le plus visiblement étonnant d'un film à l'orchestration extrêmement complexe que, remarquablement, Noé a tourné pendant deux semaines en février de cette année.Climaxest-ce un très mauvais voyage ? mais il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un voyage, et peut-être du plus audacieux de Noé.

Sociétés de production : Rectangle Productions, Wild Bunch

Ventes internationales : Wild Bunch [email protected]

Producers: Edouard Weil, Vincent Maraval, Brahim Chioua

Scénario : Gaspar Noé

Cinematography: Benoît Debie

Montage : Denis Bedlow, Gaspar Noé

Scénographie : Jean Rabasse

Casting principal : Sofia Boutella, Romain Guillermic, Souheila Yacoub, Kiddy Smile, Claude Gaujan Maull