« Un cas ordinaire » : la revue de Cannes

Daniel Auteuil réalise et incarne un avocat défendant une affaire de meurtre dans ce drame juridique français en chiffres

Réal : Daniel Auteuil. France. 2024. 115 minutes

Daniel Auteuil réalise, produit, co-écrit et joue dans ce drame judiciaire solide et légèrement pénible sur un avocat blasé qui se retrouve de manière inattendue émotionnellement connecté à ce qui devrait être juste une autre affaire ordinaire. Auteuil incarne Jean Monier, l'avocat commis d'office pour défendre Nicolas Milik (Grégory Gadebois), un gentil ours en peluche et un père aimant accusé du meurtre de sa femme. Plus Jean explore l'affaire, plus il est convaincu de l'innocence de son client.

Ce cinéma ne consiste pas à prendre des risques ou à repousser les limites

C'est la cinquième sortie d'Auteuil en tant que réalisateur : ses trois premiers films –La fille du puisatier(2011),ChatteetMarius(tous deux en 2013) étaient des remakes de la trilogie marseillaise des années 1940 de Marcel Pagnol ; son quatrième,L'autre femme(2018), a été adapté d'une pièce de Florian Zeller. Pour son dernier ouvrage, Auteuil s'appuie sur le travail de feu Jean-Yves Moyart (alias le blogueur Maître Mô), un avocat pénaliste qui s'est appuyé sur ses expériences du système judiciaire français pour devenir un auteur à succès.Un cas ordinairesera chaleureusement accueilli dans les territoires qui ont adopté le matériel source ; ailleurs, le nom d'Auteuil devrait être un tirage au sort, même s'il est possible que l'appétit du public pour les drames judiciaires français ait été au moins partiellement assouvi parAnatomie d'une chute.

Les comparaisons avec la Palme d'Or de Justine Triet sont inévitables et malheureuses. Si Auteuil livre une performance typiquement nuancée, le scénario est plutôt plombé, par les chiffres, et n'est pas dans la même catégorie que l'élégance serpentine du film de Triet. Une structure non linéaire utilise les trois jours du procès, qui se déroulent en janvier 2020, comme cadre autour duquel structurer une série de flashbacks illustrant les différents récits des suspects. (Un propriétaire de bar local, seul ami de Nicolas, interprété par Gaëtan Rousse, est également accusé d'implication dans le meurtre.)

Nous rencontrons Nicolas pour la première fois alors qu'il prépare des pâtes à la louche pour ses nombreux enfants. Il est potelé, un peu harcelé. Il ressemble à l’innocuité incarnée. Lorsque la police se présente à sa porte pour l'arrêter parce qu'il est soupçonné de meurtre, Nicolas semble sous le choc. Incapable d'accepter le fait que sa femme, une ivrogne méchante qui s'évanouissait régulièrement sur un banc public du village voisin, est morte, il fait constamment référence à elle au présent.

C'est une belle performance de Gadebois, qui incarne Nicolas en victime abattu avec juste ce qu'il faut de dureté autour des yeux pour nous donner occasionnellement un moment de doute. Jean, qui préfère habituellement poursuivre plutôt que défendre, est ému par cet homme triste et vaincu, plus préoccupé par ses enfants que par son propre sort. Il décide de prendre le cas.

Malheureusement, pour un film qui se déroule principalement au tribunal, la description de la procédure judiciaire est terne. Jean affiche peu de l'éclat et du panache qui justifieraient sa réputation de hot-shot ; sa déclaration finale est faible, tant sur le plan juridique que dramatique. Et le scénario a apparemment choisi d’ignorer le fait que la médecine légale existe. La musique classique tatillonne et formelle sur la partition ajoute au sentiment que ce film ne consiste pas à prendre des risques ou à repousser les limites.

Pourtant, c'est assez regardable, jusqu'à un certain point, grâce à la qualité du casting, qui comprend également Sidse Babett Knudsen en tant que collègue et partenaire de Jean. Une coda finale choquante, cependant, semble exploitante et non méritée, soulignant les qualités manipulatrices de la narration plutôt que de délivrer le coup de poing qui était vraisemblablement prévu.

Sociétés de production : Zazi Films

Ventes internationales : StudiocanalSébastien.Cauchon@Studiocanal.Com

Producers: Hugo Gélin, Nelly Auteuil

Scénario : Steven Mitz, Daniel Auteuil

Photographie : Jean-François Hensgens

Scénographie : Christian Marti

Editing: Valérie Deseine

Musique : Gaspar Claus

Casting principal : Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, Sidse Babett Knudsen, Alice Belaïdi, Suliane Brahim, Gaëtan Roussel