L'ancien puissant Canal+ a semblé perdre son élan à mesure que les streamers internationaux ont affirmé leur emprise, mais il y a maintenant un regain de confiance à l'égard du géant français de la télévision payante. La concurrence « nous oblige à nous remettre continuellement en question », explique Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France.Écran.
Est-ce l'heure du grand retour de Canal+ ? Lancé en 1984, le géant de la télévision payante a dominé la scène du grand et du petit écran en France pendant des décennies, alors que les cinéphiles et les amateurs de sport affluaient vers son offre singulière. Le groupe occupait ostensiblement la Croisette de Cannes chaque mois de mai pour le festival du film et détenait les droits de diffusion exclusifs des plus grandes ligues et championnats de football, de rugby et de course automobile.
Puis la couronne de Canal+ a semblé glisser. Elle a été secouée par l'arrivée de streamers internationaux tels que Netflix, Prime Video et Disney+, une concurrence accrue au niveau national de la part d'OCS et Salto, ainsi que l'expansion et la consolidation rapides des groupes de production basés en France comme Mediawan et Fédération.
Canal+ a publiquement divorcé du Festival de Cannes – son partenaire depuis 28 ans – en abandonnant son parrainage en 2021 et en voyant ses abonnés chuter régulièrement entre 2016 et 2019, avant de finalement reprendre en 2020. La pandémie a également eu un impact majeur sur l'entreprise, qui a été fortement touchée. investi dans le sport en direct et la distribution théâtrale.
Mais les choses semblent s'améliorer pour Canal+, qui ne semble plus être en mode survie. Au lieu de cela, elle est nettement plus affirmée dans sa recherche de croissance et face à ses concurrents.
La croissance s'est accélérée ces dernières années, notamment depuis l'arrivée en 2015 du président-directeur général du groupe Canal+, Maxime Saada, qui a été le fer de lance de l'expansion internationale. Plus de la moitié des abonnés Canal+ sont désormais situés hors de France. Les principales initiatives incluent l'acquisition du diffuseur européen de télévision payante M7 en 2019 pour 1,06 milliard de dollars (1 milliard d'euros), des lancements en Éthiopie et en Autriche, et l'augmentation de sa participation dans le diffuseur panafricain MultiChoice à 30,3 % en février 2023.
Aujourd'hui, la filiale de Vivendi compte plus de 25,5 millions d'abonnés, dont plus de 9,5 millions en France (Netflix a dénombré plus de 10 millions d'abonnés à l'été 2022) et 16 millions hors de France métropolitaine. Il entend conquérir 30 millions d'abonnés d'ici 2025. Le groupe est présent dans plus de 50 pays et sa filiale de production et de distribution Studiocanal est le premier producteur de longs métrages et de séries TV en Europe. Canal+ investit lui-même près de 3,6 milliards de dollars (3,4 milliards d'euros) dans les contenus chaque année.
L'été dernier, Saada a obtenu un siège au directoire de Vivendi, soulignant l'ambition du groupe d'étendre sa portée internationale dans le domaine des contenus.
Faire face à la concurrence
En décembre 2021, Canal+ a signé un accord historique avec les multiples corporations de l'industrie cinématographique française, s'engageant à investir 636 millions de dollars (600 millions d'euros) dans les films français et européens entre 2022 et 2024, dont 85 % seront consacrés à la production cinématographique française. L’accord était à la fois un cri de guerre pour les plateformes de streaming et une démarche qui promettait de bouleverser le paysage audiovisuel en Europe.
Grâce à cet accord, Canal+ peut désormais diffuser un film six mois après sa sortie en salles, une position unique par rapport à des concurrents comme Netflix, Disney+ et Prime Video, qui doivent attendre au moins 15 mois.
En plus de résister à la concurrence extérieure, le groupe a également pris une décision stratégique en interne dans une optique de consolidation. En janvier, Canal+ a finalisé un accord pour racheter la division cinéma et télévision payante OCS d'Orange, le deuxième service de télévision payante de France (l'accord attend toujours l'approbation des autorités locales).
En février, les chaînes publiques France Télévisions, M6 et TF1 ont annoncé la fermeture de leur plateforme de contenu commune Salto, ouvrant la voie à Canal+ pour gagner davantage d'abonnés sur le marché local. Saada est depuis allé plus loin, déclarant lors d'un récent point de presse à Paris qu'il était prêt à investir 1 milliard d'euros (1,1 milliard de dollars) dans le cinéma français au cours des cinq prochaines années.
Le groupe capitalise également sur sa fenêtre cinéma de six mois et son avantage concurrentiel pour lancer une toute nouvelle chaîne Canal+ Box Office, qui se concentrera sur la diffusion des nouveautés juste après leur sortie en salles. Prévue pour être lancée avant l'automne 2023, la chaîne proposera à la fois des superproductions des majors américaines et des plats locaux qui plairont à tous.
Bien qu’au départ une menace, l’arrivée des plateformes a peut-être été le coup de pouce dont Canal+ avait besoin pour réaffirmer son positionnement unique dans son pays. "La concurrence crée de l'émulation et l'émulation est toujours bonne pour la création et les contenus", explique Gérald-Brice Viret, directeur général de Canal+ France en charge des chaînes et des programmes TV.Écran International. «Cela nous a obligé à nous remettre continuellement en question et à garder la porte ouverte à toujours plus de créativité.»
Selon Viret, la première raison de s'abonner à Canal+ est pour son offre cinéma et la seconde est le sport, le groupe s'est donc attaché à se positionner comme un foyer pour les deux. La société détient les droits de diffusion de 99 des 100 meilleurs films du box-office français en 2022.
« Pour la première fois, il existe une plateforme française qui regroupe les contenus de toutes les majors américaines », note Saada. Groupe Canal+ a récemment signé des accords de distribution avec Sony et Universal, parallèlement à ses précédents accords de contenus avec Fox, Disney, Warner Bros et Paramount ; il a également conclu des accords d'agrégation avec des plateformes telles que Netflix en 2019, Disney+ en 2020, Starzplay en 2021 et Paramount+ en 2022.
« Nous sommes un créateur, mais aussi un éditeur, un agrégateur et un distributeur », explique Viret à propos du modèle actuel de Canal+, basé sur l'abonnement, qui vise à la fois à séduire de nouveaux abonnés et à fidéliser les fidèles de longue date en leur offrant un guichet unique pour une variété de contenus. « Notre objectif est que nos abonnés soient infiniment rassasiés », explique-t-il à propos de la stratégie du groupe à volonté. « Les gens sont prêts à payer pour du contenu premium. C'est ce que nous faisons depuis 1984. »
Viret note que la base d'abonnés de l'entreprise a non seulement augmenté, mais qu'elle a également attiré une population plus jeune, courtisant ce qu'il appelle « la prochaine génération d'abonnés ».
Investissement dans les fonctionnalités
Selon Saada, « 2023 sera la meilleure année cinématographique de l’histoire de Canal+ ». Canal+ propose aujourd'hui 4 500 films disponibles aussi bien sur ses chaînes linéaires que sur ses plateformes à la demande et compte neuf chaînes consacrées uniquement au cinéma. Canal+ a préacheté 117 films en 2022 et 134 autres pour sa filiale Cine+, dont 120 films français et 14 titres européens. Le groupe continue d'investir dans des titres en langue locale et des projets internationaux ambitieux.
La filiale Studiocanal est quant à elle le premier distributeur français en 2022, avec près de 9 millions d'entrées et trois films qui ont franchi le cap du million d'entrées dont celui de Cédric Jimenez.Novembre(plus de 2,4 millions d'entrées), le film de Philippe LacheauSuperqui(1,8 million) et celui de Cédric KlapischAugmenter(1,3 million). Au-delà des frontières, sa particularitéLe loup et le liona gagné 20 millions de dollars au box-office mondial l'année dernière.
Anna Marsh, directrice historique de Studiocanal et directrice générale adjointe du Groupe Canal+, cite « la volonté de l'entreprise de développer davantage les franchises en français et en anglais ».
Et même si Canal+ n’a peut-être pas sa présence massive à Cannes avant 2021, il couvre toujours activement l’événement. Viret souligne que Canal+ est à l'origine de nombreux films en sélection, depuis la production jusqu'aux préventes. Canal+ est également diffuseur officiel de la Mostra de Venise, renforçant ainsi son orientation vers les longs métrages.
Côté sport, Groupe Canal+ détient les droits de diffusion de l'UEFA Champions League et de la Ligue Europa jusqu'en 2027, de la Premier League jusqu'en 2025, du Top 14 français de rugby jusqu'en 2027, ainsi que de la Formule 1 et du MotoGP jusqu'en 2029.
Les séries dramatiques sont également au centre des préoccupations. « Sur nos séries, 50 % sont nos propres créations originales, ce qui fait la force de notre modèle », explique Viret. Le groupe investit à la fois dans des Créations Originales Canal+ internes telles quePolice parisienne 1905,Tout le chemin vers le hautetGuerre des mondes, et par l'intermédiaire de ses filiales, parmi lesquelles la société britannique Red Production Company (C'est un péché,Chemin Ridley,Des années et des années) et SunnyMarch de Benedict Cumberbatch (Patrick Melrose).
Parmi les récentes séries très médiatisées, citons celle de Xavier DolanLa nuit où Logan s'est réveillé, le western vedetteDjangoavec Matthias Schoenaerts, la première série dramatique de Thomas VinterbergDes familles comme la nôtre, et celui de Frank MillerCorto Maltese. « Notre défi est de proposer le contenu le plus premium possible. La qualité est la clé », déclare Viret.
Alors que le paysage audiovisuel continue d’évoluer, Canal+ se développe en ne changeant pas sa stratégie initiale éprouvée depuis les années 1980, à savoir un modèle d’abonnement basé sur des contenus premium et une approche généraliste couvrant le cinéma, le sport, les séries et le spectacle vivant. Mais en même temps, il s’adapte toujours. « Notre force, c'est de nous renouveler constamment », affirme Viret.