"En guerre" : revue de Cannes

Les employés d'une usine automobile sont trahis par leur direction : le film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon dans le rôle principal suit la suite des événements.

Dir. Stéphane Brizé. France. 2018. 113min

Une histoire qui vaut la peine d'être racontée, bien racontée, la bien nomméeAt War (En Guerre)jette un regard d'une intimité déchirante sur des centaines d'ouvriers d'usine français qui luttent pour conserver leur emploi, avec la solidarité et la conviction comme principales armes contre les seigneurs cavaliers des entreprises. Tiré des gros titres, minutieusement documenté et soigneusement conçu, ce conte de fiction a une résonance quasi universelle, même si certains téléspectateurs peuvent le trouver rébarbativement français dans la mesure où les discours, les discours et encore les discours sont aussi nombreux que les personnages distinctifs et les images percutantes.

Un autre rôle parfaitement adapté au talent de Vincent Lindon pour incarner des gars honnêtes essayant de faire de leur mieux dans des circonstances intimidantes.

Dans son huitième long métrage depuis 1999, l'habile conteur Stéphane Brizé laisse se dérouler disputes et conversations, manifestations de rue et négociations au-delà du point de rupture du spectateur impatient. Mais cette immersion prolongée et délibérée est une tactique qui crée un ton de véracité sans faille, nous gardant du côté des grévistes tout en montrant que leurs adversaires habiles et à deux visages ne font, comme le dit le proverbe, « que leur travail ».

Du jour au lendemain, les 1 100 salariés de Perrin Industries, une usine de pièces automobiles située à Agen, en France, apprennent que leur maison mère en Allemagne a décidé de fermer l'usine et de licencier tous les ouvriers. En comptant les familles, cela mettra 4 000 personnes dans une situation très difficile puisqu'il n'y a pas d'autre travail dans la région. Les travailleurs sont doublement abasourdis puisque, deux ans auparavant, ils avaient tous accepté une réduction substantielle de leurs salaires et renoncé aux primes en échange de la promesse d'au moins cinq années supplémentaires de stabilité. De plus, l'usine réalise des bénéfices ? c'est juste que les actionnaires s'attendent à un rendement encore plus important.

Il s’agit d’une impasse fondamentale et noble : les travailleurs ont respecté leur part du marché, mais pas la direction. Et maintenant ?

Le représentant syndical et porte-parole Laurent Amédéo (Vincent Lindon) dirige avec compétence et énergie les salariés initialement unis dans leur quête de justice. Selon les travailleurs, il n'y a aucune différence entre signer un accord avec la direction et ne pas signer un accord avec la direction si les employeurs ne tiennent pas parole. Les reportages d'actualité à la manière des grandes chaînes de télévision françaises condensent les diverses avancées et revers, tandis que le film lui-même remplit une réalité beaucoup plus riche et frustrante qui ne se prête pas aux extraits sonores et aux brefs commentaires.

Se déjouant et déterminés à se faire entendre, les travailleurs portent plainte devant le tribunal, rencontrent un responsable gouvernemental relativement constructif à huit heures de route de Paris, prennent d'assaut le siège de l'organisation qui représente les employeurs en France, mais ne peuvent « Nous n'avons pas réussi à obtenir un rendez-vous avec le patron de la maison mère allemande, un certain M. Hauser.

Les représentants de Perrin disent qu'ils seront heureux de négocier ? mais à condition que les salariés abandonnent leur grève et reprennent les emplois qui seront bientôt entièrement supprimés.

Le film montre à quel point il est difficile de maintenir des rangs serrés, même lorsque l’on jouit d’une position morale élevée. L’effet cumulatif est impressionnant. Le travail de caméra à la main nous maintient en contact étroit avec les protagonistes bien choisis, dont la plupart sont des non-professionnels. Bien que chaque mot soit scénarisé et chaque mouvement de caméra planifié à l'avance, l'impression est celle de situations authentiques qui prennent vie spontanément.

À travers leurs vêtements et leur coiffure, leurs visages burinés et leur langage corporel, les travailleurs expriment leur statut social d’opprimés face à la bonne tenue et au discours corporatif cynique de leurs ennemis infiniment plus haut dans la chaîne alimentaire. Dans les séquences les plus violentes, la musique génératrice de tension de Bertrand Blessing surgit, remplaçant les voix élevées et les cris, soit parce que tout a déjà été dit, soit parce que les ouvriers ? ces voix sont peut-être vouées à rester inaudibles.

Dans sa quatrième collaboration à l'écran avec Brizé après leur travail ensemble surLa mesure de l'homme? qui a valu à Vincent Lindon son deuxième prix d'acteur en plus de 30 ans de carrière ? c'est un autre rôle parfaitement adapté au talent de Lindon pour incarner des gars honnêtes essayant de faire de leur mieux dans des circonstances intimidantes.

Production companies: Nord-Ouest Films, France 3 Cinema

Ventes internationales : MK2 Films

Producteurs : Christophe Rossignon, Philip Boëffard

Scénario : Stéphane Brizé, Olivier Gorce (en collaboration avec Xavier Mathieu, Ralph Blindauer, Olivier Lemaire

Production design: Valerie Saradjian

Montage : Anne Klotz

Photographie : Éric Dumont

Musique : Bertrand Bénédiction

Main cast: Vincent Lindon, Melanie Rover, Jacques Borderie, Jean Grosset, Guillaume Draux, Martin Hauser