« Les femmes parlent » : Revue de Toronto

Réal : Sarah Polley. NOUS. 2022. 104 minutes

La colère et la tendresse coulent à parts égales dansFemmes qui parlent, un drame ciblé et puissant sur une communauté de femmes vivant dans une communauté religieuse stricte et se remettant des abus sexuels qu'elles ont subis. En adaptant le roman de Miriam Toews, la scénariste-réalisatrice Sarah Polley ne propose pas de catharsis facile ni de platitudes simplistes, mais plonge plutôt profondément dans les émotions mitigées ressenties par ces mères et filles, fatiguées des mauvais traitements mais divisées sur la façon de réagir. Examinant la foi et le patriarcat avec une éloquence discrète, ce drame offre une vitrine d'acteur à une suite de superbes interprètes mettant en vedette Rooney Mara, Claire Foy et Jessie Buckley.

Polley veut que nous luttions avec les mêmes questions qui préoccupent ces femmes

Sortie aux États-Unis le 2 décembre, où il est clairement positionné pour une course aux récompenses (une sortie au Royaume-Uni suivra en février 2023),Femmes qui parlentparlera du mouvement #MeToo, mais le fait qu'elle refuse de donner aux téléspectateurs une histoire fade et inspirante témoigne de l'intelligence de Polley en tant que cinéaste. En effet,Femmes qui parlentest une œuvre stimulante qui demande un peu de patience de la part du public, qui sera récompensé par une histoire troublante et provocante qui restera gravée dans l'esprit longtemps après la fin du film.

Se déroulant en 2010 et s'inspirant des communautés mennonites, même si aucun groupe religieux spécifique n'est jamais nommé dans le film,Femmes qui parlentse déroule en grande partie dans une grange quelque part dans la campagne américaine alors que plusieurs générations de femmes se réunissent pour discuter d'une vague d'abus qui les a tourmentées ces derniers temps. Mais doivent-ils rester et se battre, ou doivent-ils partir ? Les femmes débattent férocement de la question, certaines (comme Mariche de Buckley) insistant sur le fait qu'elles devraient rester tandis que d'autres (Salomé de Foy) insistent sur le fait que les survivants ne devraient pas avoir à rester un jour de plus.

Travaillant avec le directeur de la photographie Luc Montpellier, Polley (réalisant son premier film depuis 2012Histoires que nous racontons) tireFemmes qui parlentdans des couleurs sourdes, donnant aux images une austérité presque gris anthracite. Les visuels correspondent à l'ambiance, car les expressions sévères des femmes reflètent la situation désespérée dans laquelle elles se trouvent. Leur conversation présente un suspense supplémentaire car elle se déroule alors que les hommes sont brièvement absents, ce qui confère aux débats une urgence.

Certes, le cadre intime, parfois claustrophobe, présente des obstacles narratifs potentiels, mais Polley n'a pas recours à des placements de caméra voyants ou à des montages rapides pour insérer un dynamisme artificiel. Elle fait simplement confiance à son casting, qui comprend Frances McDormand (également productrice) dans le rôle d'une matriarche sévère qui est totalement contre le départ des femmes : après tout, selon leur religion, s'ils ne pardonnent pas à leurs agresseurs, ils se verront refuser l'entrée dans Paradis.

Impressionnant par sa générosité,Femmes qui parlentne respecte pas seulement les différents points de vue des personnages, mais aussi la façon dont leur éducation conservatrice dans cette communauté cloîtrée a façonné leur pensée depuis l'enfance. Polley parvient à trouver un équilibre délicat, condamnant la perpétuation de l'inégalité entre les sexes par la religion, tout en comprenant comment la vraie foi peut aider à donner aux individus un sentiment de grâce et de confort dans leur vie. À cette fin, le film inclut des conversations sur la nature même du pardon – et sur la question de savoir s'il est insensé ou beau pour ces femmes de pardonner à leurs agresseurs.

Alors que ses personnages défendent leurs positions – le film passe parfois par des flashbacks qui donnent un aperçu rapide des abus – Polley introduit également une tentative d'histoire d'amour entre Ona (Rooney), enceinte et dynamique, qui veut fuir, et August (Ben Whishaw), un enseignant timide dont la famille a été ostracisée il y a des années pour des raisons obscures. À la voix douce et humble, August a été chargé de rédiger le procès-verbal de cette réunion de femmes, mais son affection de longue date pour Ona commence à faire surface, conduisant à une résolution poignante qui suggère que, même dans un environnement aussi toxique, une véritable l'adoration peut encore fleurir.

Quand même,Femmes qui parlentn'est-ce pas un film qui se dirige vers une fin heureuse conventionnelle. Comme le souligne la musique laconique de la compositrice Hildur Guonadottir, Polley souhaite que nous soyons confrontés aux mêmes questions qui préoccupent ces femmes. Ce faisant, elle a élaboré une exploration humaine des raisons pour lesquelles les survivants ne peuvent pas toujours simplement « échapper » à leurs agresseurs – souvent, les pressions sociétales et culturelles deviennent des facteurs de complication. (Et puis il y a des préoccupations pratiques : les femmes doivent-elles emmener leurs jeunes fils avec elles ? Ou seulement les filles ? À quel âge les garçons ont-ils dépassé le point d’être rachetés ?)

La prévenance des échanges, associée à l'intensité vive des performances des actrices, illustre une communauté oscillant entre la rage, le chagrin et l'engourdissement face aux horreurs auxquelles elles ont été confrontées. Finalement,Femmes qui parlentLes personnages de font leurs choix, mais le film nuancé de Polley fait allusion au traumatisme persistant avec lequel vivent les survivants – et pourquoi s'échapper peut être aussi difficile que de rester.

Sociétés de production : Plan B Entertainment, Hear/Say

Distribution internationale : Universal Pictures International (International) / Orion Pictures (US)

Producteurs : Dede Gardner, Jeremy Kleiner, Frances McDormand

Scénario : Sarah Polley, d'après le livre de Miriam Toews

Photographie : Luc Montpellier

Conception et réalisation : Peter Cosco

Montage : Christopher Donaldson, Roslyn Kalloo

Musique : Hildur Guonadottir

Acteurs principaux : Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley, Judith Ivey, Sheila McCarthy, Michelle McLeod, Kate Hallett, Liv McNeil, August Winter, Ben Whishaw, Frances McDormand