« L'Empire » : Revue de Berlin

Le nord de la France accueille une bataille épique entre le bien et le mal dans la science-fiction outre-mer de Bruno Damont

Réalisateur Bruno Dumont. France. 2024. 110 minutes

Les critiques français utilisent souvent le terme « OVNI » – en anglais « OVNIS » – pour désigner des films qui semblent arriver du champ le plus à gauche sans aucune explication raisonnable. Bruno Dumont a réalisé de nombreux films de ce genre, mais avecL'empirevous pouvez prendre « OVNI » au pied de la lettre, alors que l'auteur idiosyncratique nous présente sa version d'une épopée de science-fiction sur l'invasion extraterrestre.

Il n’y a pas grand-chose ici qui puisse plaire en dehors du noyau dur des adeptes de longue date de Dumont.

Cependant, fidèle à l'habitude, les enjeux sont métaphysiques, les intentions ironiques et le décor typiquement dumontien : les dunes de sable de la « Côte d'Opale » du nord de la France. Il est bien sûr toujours fascinant de découvrir quelle nouvelle avenue explore l'imprévisible Dumont - mais une fois que vous l'avez découvert,L'empirea plus ou moins fait valoir son point de vue. Malgré une poignée de noms de stars présentés aux côtés de la sélection hétéroclite habituelle de non-professionnels de Dumont, il y a peu de choses ici pour plaire en dehors du noyau dur des adeptes de longue date de Dumont – et même eux peuvent décider que ce vaisseau est à court de carburant trop tôt.

Le film commence au milieu des dunes de sable de la côte, près d'un petit village où la nouvelle arrivée locale, séduisante et accro au téléphone, Line (Lyna Khoudri, du film de Wes Anderson)La dépêche françaiseet le récentTrois mousquetairesfilms) croise un voisin, le jeune pêcheur Jony (le nouveau venu Brandon Vlieghe), père d'un joli garçon de deux ans, Freddy. Mais pourquoi les gens continuent-ils à se prosterner solennellement les uns devant les autres ? Et pourquoi un homme du coin nommé Rudy (Julien Manier) sort-il soudainement unGuerres des étoiles-style sabre laser pour une décapitation surprise ?

Il s’avère que le village est le théâtre d’une bataille entre le bien et le mal à l’échelle cosmique. Freddy, appelé dans les sous-titres « le Wain », est l'incarnation du mal sur terre, et son père est membre d'une force extraterrestre démoniaque connue sous le nom de « Zéros ». Il s'avère donc que c'est Line, qui signale son dévouement à la cause en canoulant avec le loup Jony. Le Bien, quant à lui, est représenté par une Amazone locale nommée Jane (Anamaria Vartolomei, du film d'Audrey Diwan).Événement), souvent vue habillée comme une sorte de Lara Croft intergalactique – alors qu’elle en porte beaucoup. Aidée par Rudy, elle est la fidèle servante des « Ones » bienveillants, dont le chef se matérialise sur la Côte sous la forme du maire local (Camille Cottin).

Quant aux forces des ténèbres, elles sont dirigées par une goutte noire d’ectoplasme CGI bancal qui choisit d’habiter la forme humaine d’un malheureux guide touristique. Il est interprété par l'éminence de la scène et du cinéma Fabrice Luchini, souriant follement et déclamant dans un style comédie-française à pleine voix. Il passe un moment rare ici, poussant les choses encore plus loin que dans une bizarrerie de Dumont antérieure, celle de 2016.Baie Slack; quand on a vu ce vétéran collaborateur d'Eric Rohmer, Claude Chabrol et François Ozon sauter de haut en bas dans un costume de Pierrot interstellaire en scandant « Apocalypse ! Apocalypse !", vous avez tout vu.

L'empirepossède des effets visuels incroyablement étranges – notamment deux vaisseaux spatiaux extraterrestres, ressemblant respectivement à une cathédrale gothique et au château de Versailles. On les voit à la fois dans les profondeurs de l'espace et planant au-dessus du village, d'une manière indéniablement saisissante qui suggère que Dumont a étudié de près Denis Villeneuve. L'utilisation de grands édifices existants comme emplacements et comme références pour les vaisseaux spatiaux crée une grandeur qui se heurte ironiquement à la banalité rurale de la côte nord de la France, parfois avec un effet surréaliste attrayant - comme lorsqu'un navire aux allures de cathédrale accoste sur un bunker en pierre dans un champ. Pourtant, la nature méticuleuse de la conception extraterrestre donne finalement l’impression que le tout est laborieux, là où le ton du film B appelle à une légèreté d’exécution plus insouciante.

Les acteurs, pros et non-pros, s'élèvent jusqu'à l'absurdité en jouant toute l'affaire de manière absolument directe – la maladresse baroque de Luchini mise à part. Le nouveau venu aux cheveux hérissés, Vlieghe, fait forte impression dans le rôle de Jony, priapique et ricanant, tandis que Vartolomei et Khoudri s'élèvent courageusement au-dessus des limites des rôles qui les obligent à être exhibés.bande dessinéedes pin-ups dans un style inhabituellement non reconstruit, du moins selon les standards habituels de Dumont. (D'ailleurs, les fans de la comédie télévisée de DumontP'tit QuinquinOn notera le retour de Philippe Jore et (un air plutôt las) de Bernard Pruvost dans le rôle des flics toujours confus Carpentier et Van der Weyden, apportant un léger soulagement intermittent et aidant à s'adapter.L'empireun peu plus calé dans l'univers cinématographique de Bruno Dumont.) La bande-son est prodiguée par Bach, à la fois franche et, avec des inflexions kitsch, dans le style jazz si chic des années 60.

Ce dont parle réellement le film est une question de conjecture au-delà de la confrontation évidente du bien et du mal. L'utilisation par Dumont de modèles architecturaux semble opposer ces deux principes en opposant l'Église et l'État, mais il semble ensuite ridiculiser la dualité simpliste qui sous-tend certains (mais presque tous) le cinéma de science-fiction traditionnel. Il est difficile de décider si Dumont traite ses emprunts de genre avec un mépris dépréciant, ou s'il apprécie les possibilités offertes ; il semble prudent de supposer les deux. Et même si l'étrangeté générale a un effet de charme et de choc, une fois que vous avez surmonté la surprise de voir Dumont aussi désinvolte, le plaisir s'amenuise.

Société de production : Tessalit Productions

Ventes internationales : Memento International[email protected]

Producers: Jean Bréhat, Bertrand Faivre

Photographie : David Chambille

Editeurs : Bruno Dumont, Desidera Rayner

Production design: Erwan Le Gal, Célia Marolleau

Main cast: Lyna Khoudri, Anamaria Vartolomei, Camille Cottin, Fabrice Luchini, Brandon Vlieghe