«L'Apprenti» : Revue de Cannes

Sebastian Stan et Jeremy Strong impressionnent dans l'histoire par ailleurs terne d'Ali Abbasi sur les origines de Donald Trump

Réal : Ali Abbasi. Canada/Danemark/Irlande. 2024. 120 minutes

Qu’est-ce qui a fait de Donald Trump un personnage aussi polarisant ? La question conduitL'apprenti, qui retrace l'ascension du magnat de l'immobilier dans les années 1970 et 1980, recherchant les germes de son insensibilité et de sa mégalomanie sans grand succès. On ne peut rien reprocher à Sebastian Stan, qui joue le rôle de l'entrepreneur peu sûr de lui pendant une période charnière, ou à Jeremy Strong dans le rôle de Roy Cohn, l'avocat et mentor impitoyable de Trump. Mais, malgré sa retenue bienvenue, le premier film en anglais du réalisateur Ali Abbasi n'a jamais une vision décisive de l'homme dont la cupidité et l'ambition l'ont finalement conduit jusqu'à la Maison Blanche.

Nous présente The Donald, mais ne parvient pas à lui mettre son empreinte

Le quatrième long métrage d'Abbasi est le troisième consécutif à être projeté à Cannes. (Frontièrea remporté le premier prix à Un Certain Regard en 2018, tandis qu'en 2022Sainte Araignéea valu à Zar Amir Ebrahimi la meilleure actrice.) De retour en compétition, Abbasi a livré un drame convenablement aigre et certainement opportun ? Trump va-t-il lancer une campagne pour reconquérir la présidence cet automne ? et le pouvoir de star de Stan et Strong (soutenu par la nominée aux Oscars Maria Bakalova) attirera la curiosité. Mais ce qui est moins clair, c'est quel sera l'appétit pour un film consacré à un homme controversé qui fera la une des journaux (surtout aux États-Unis) au cours des prochains mois ; le film a été vendu dans plusieurs territoires, StudioCanal prenant le Royaume-Uni et l'Irlande, mais aucun accord avec les États-Unis n'a encore été conclu.

Lorsque nous rencontrons Donald Trump (Stan) pour la première fois au milieu des années 1970, il est un aspirant à faire bouger les choses dans le monde de l'immobilier new-yorkais et est présenté au redouté et amoral avocat Roy Cohn (Strong). Le briseur de balles brutal prend Trump admiratif sous son aile, lui apprenant les secrets pour être un gagnant. (En bref : attaquez sans relâche vos adversaires, revendiquez toujours la victoire et n’avouez jamais rien.) Avec les conseils de Cohn, Trump développe rapidement son empire commercial tout en revendiquant la séduisante mondaine Ivana Zelnickova (Bakalova) comme épouse.

Écrit par le journaliste Gabriel Sherman,L'apprentitire son titre de la série de télé-réalité NBC qui a redonné son éclat à Trump au 21e siècle, même si, dans le cas de ce film, c'est Trump qui apprend les ficelles du métier. Au départ, le rapport entre Trump et Cohn ? celui d'un disciple enthousiaste et d'un enseignant malveillant ? déclenche ce qui est, en substance, l’histoire d’origine du super-vilain de Trump. Le directeur de la photographie Kasper Tuxen filme dans des tons délavés et granuleux, capturant un New York miteux à une époque de ralentissement économique qui a finalement conduit au boom des années 80.

Abbasi résiste à humaniser son personnage principal, même si lui et Stan évitent la caricature désinvolte. Stan fait un travail remarquablement subtil pour capturer les manières et les tics faciaux de Trump ? les lèvres pincées, les gestes saccadés de la main, la tête penchée censée exprimer la dureté ? tout en gardant le personnage à une taille réelle. Il y a des clins d'œil à la façon dont le père peu aimant de Trump, Fred (joué avec une douceur sourde par Martin Donovan), l'a rabaissé pour qu'il devienne un homme d'affaires mortel, maisL'apprentisoutient que c'est le comportement sans scrupules de Cohn qui a inspiré Trump à mentir, à arnaquer et à intimider son chemin vers le succès. Non pas que le tableau donne l’illusion que Trump était une âme innocente corrompue par des forces extérieures ; il a toujours eu un instinct de tueur.

Mais malgré les textures attrayantes du film ? La décoratrice Aleksandra Marinkovich et la costumière Laura Montgomery font un travail d'époque pointu ? Abbasi a du mal à trouver un arc convaincant dans l’ascension de Trump. Il y a une certaine fascination à regarder un égocentrique irrémédiable abattre tous les obstacles qui bloquent son chemin. Mais la quête inconsidérée de Trump ne se prête jamais à des révélations plus profondes sur le magnat, et elle ne suggère pas non plus en quoi il symbolise le côté obscur de ce qu’on appelle l’exceptionnalisme américain. En recherchant le réalisme,L'apprentise termine dramatiquement plat, la récitation des incidents les plus infâmes de Trump ? y compris l'accusation d'Ivana Trump selon laquelle son mari l'a violée (une accusation qu'elle a ensuite désavouée) ? jouer de manière superficielle.

En tant que féroce Cohn, Strong est dépouillé d'une manière menaçante, mais une fois que Cohn a développé le SIDA dans les années 80, il s'éloigne du récit, privant le film de la moitié de son couple de pouvoir le plus dynamique. (Malheureusement, Ivana, la décousue de Bakalova, est rapidement mise à l'écart.)L'apprentipropose que Cohn, que beaucoup considéraient également comme monstrueux, a finalement réalisé avec horreur ce qu'il avait fait en lâchant son élève sur le monde. Mais cette affirmation tiède est difficile à accepter ? juste une tentative tendue de crescendo dramatique dans un film qui nous présente The Donald, mais ne parvient pas à lui apposer son empreinte.

Sociétés de production : Scythia Films, Profile Pictures, Tailored Films

Ventes internationales : Rocket Science,[email protected]

Producteurs : Daniel Bekerman, Jacob Jarek, Ruth Treacy et Julianne Forde, Louis Tisne, Ali Abbasi

Scénario : Gabriel Sherman

Photographie : Kasper Tuxen

Conception et réalisation : Aleksandra Marinkovich

Montage : Olivia Neergaard-Holm et Olivier Bugge Coutte

Musique : David Holmes, Brian Irvine, Martin Dirkov

Acteurs principaux : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Martin Donovan, Maria Bakalova