Un jeune Sud-Africain lutte pour cacher son homosexualité pendant son service militaire dans les années 1980
Réal. Olivier Hermanus. Afrique du Sud/Royaume-Uni. 2019. 103 minutes.
Drame sud-africainMoffyest une expérience tout à fait intense qui semble souvent aussi punitive pour le spectateur que pour les personnages. Basée sur les mémoires romancés d'André-Carl van der Merwe, cette représentation de l'entraînement militaire d'un jeune homosexuel met à nu l'idéologie et les mécanismes impitoyables de l'apartheid, appliqués aux jeunes hommes blancs chargés de le mettre en œuvre. C'est aussi une analyse sans ménagement de l'homophobie institutionnalisée, du « moffie » étant un terme péjoratif pour les hommes homosexuels.
Kai Luke Brummer crée un centre magnétique, décrivant de manière convaincante le passage de Nick de novice timide à soldat expérimenté.
Le film marque un retour triomphal à la forme énergique du réalisateur sud-africain Oliver Hermanus, après l'expérience narrative plus oblique du thriller d'ensemble (et titre de la compétition de Venise 2015).La rivière sans fin.Ce film puissant et ambitieux surpassera probablement celui du réalisateur précédent.Shirley Adams(2009) et lauréat du Cannes Queer PalmBeauté(2011) en termes d’exposition internationale.
Nous sommes en 1981, lorsque Nicholas van der Swart (Kai Luke Brummer), 18 ans, fait ses adieux à sa famille avant de se présenter à la conscription militaire alors obligatoire pour les jeunes hommes blancs sud-africains. Son beau-père afrikaner est optimiste quant à ce qui attend le garçon, tandis que son père divorcé donne tranquillement à Nick un magazine porno hétéro comme «munitions», comme s'il savait qu'il en aura besoin pour le protéger. Alors que Nick part en train pour se rendre au camp d'entraînement, ce jeune homme sensible semble perdu parmi le machisme agressif qui l'entoure, mais se lie en route avec une autre recrue, Sachs (Matthew Vey), qui se révèle avoir une attitude plus que sceptique envers l'idéologie qui est inculquée aux hommes.
Avant d'être stationné à la frontière de l'Angola, pour affronter ce qu'on leur dit constamment être la menace communiste noire contre la mère patrie, le peloton de Nick suit une formation de base impitoyable sous le commandement du sergent Brand (une performance terrifiante mais tout à fait réaliste de Hilton Pelser). Il joue ce martinet avec une efficacité froide, en nette distinction avec les représentations grotesques mais pleines de caractère qui ont souvent rendu ces personnages perversement charismatiques ? la comparaison la plus évidente étant celle de R. Lee Ermey dans celui de Kubrick.Veste entièrement en métal.
Au cours d'un exercice, Nick se retrouve à dormir près de sa compatriote Stassen (Ryan de Villiers), et les deux ressentent clairement une forte attirance mutuelle. Mais l'homosexualité est considérée comme un crime contre la nation et contre Dieu, et les hommes soupçonnés d'être homosexuels sont vicieusement humiliés ? comme dans une scène où le peloton reçoit l'ordre de chanter « Moffie ! Moffie !? à une victime ? et brutalisé, notamment dans l'établissement très redouté connu sous le nom de Ward 22. Dans cet environnement, Nick apprend à survivre en gardant son identité sexuelle invisible.
La description détaillée du camp d'entraînement dans le film suscite instantanément des comparaisons avecVeste entièrement en métal? ce que reconnaît Hermanus en faisant chanter à ses soldats une version afrikaans de son célèbre chant d'exercice. Il fait également écho à ce film en suivant finalement ses hommes au combat, bien que la séquence de patrouille culminante ici soit brève et étroitement ciblée. Un long flash-back sur son enfance, exécuté dans une prise longue et complexe, illustre encore l'intensité de l'homophobie dans laquelle il a grandi.
Cette séquence, qui se déroule dans un country club réservé aux Blancs, voit Hermanus jouer cartes sur table sur le fait que cette représentation de l'apartheid se concentre sur un personnage blanc issu d'un milieu privilégié. L’homophobie manifestée est, bien entendu, tout à fait conforme à l’oppression raciale que les jeunes soldats sont amenés à servir. Mais la violence concrète de l'apartheid apparaît de manière très frappante lorsque les jeunes recrues du train harcèlent un homme noir solitaire sur un quai de gare. Qu'Hermanus soit capable, par la suite, de dépeindre ces jeunes hommes blancs comme humains, vulnérables, voire sympathiques, est un signe du sérieux moral et de la subtilité de sa démarche.
Une jeune troupe extraordinaire, majoritairement de nouveaux venus, donne tout, notamment dans les séquences d'entraînement qui semblent authentiquement rigoureuses, tant physiquement qu'émotionnellement. Aux côtés des performances exceptionnelles de de Villiers et Vey, Kai Luke Brummer crée un centre magnétique, décrivant de manière convaincante le passage de Nick de novice timide à soldat expérimenté, ainsi que le coût de cette remise des diplômes.
La photographie de Jamie D. Ramsey capture l'austérité claustrophobe des soldats ? monde, tandis que la partition souvent fascinante de Braam du Toit ? centré sur des cordes de rechange qui grattent les nerfs ? est complété par des passages classiques contemplatifs plus familiers (Bach, Vivaldi, Charles Ives). Il y a aussi une allusion subtile à « Sugar Man », la chanson de l'artiste américain Rodriguez, dont l'œuvre était un point de ralliement pour la contre-culture sud-africaine et le sentiment anti-apartheid dans les années 70 et 80.
Société de production : Portobello Productions
Ventes internationales : Portobello Film Sales,[email protected]
Producteurs : Eric Abraham, Jack Sidey
Scénario : Oliver Hermanus, Jack Sidey, d'après le livre d'André-Carl van der Merwe
Photographie : Jamie D. Ramsay
Editors: Alain Dessauvage, George Hanmer
Scénographie : Franz Lewis
Musique : Braam du Toit
Acteurs principaux : Kai Luke Brummer, Ryan de Villiers, Matthew Vey, Stefan Vermaak, Hilton Pels