« Illusions perdues » : Revue de Venise

Réal. Xavier Giannoli. France. 2021. 144 minutes.

Avec ses récits tentaculaires et son obsession de la description détaillée, Honoré de Balzac compte parmi les plus récalcitrants et inadaptables du 19èmeromanciers du XVIIe siècle. Tout le mérite revient donc au scénariste-réalisateur Xavier Giannoli (Le chanteur,Marguerite) pour avoir à la fois honoré l'esprit de son vaste romanIllusions perdues? écrit entre 1837 et 1843 ? et réduire le livre à l'essentiel, soulignant sa pertinence éclatante pour aujourd'hui. L'anatomie impitoyable de Balzac sur les tentations de la célébrité et la corruption du monde médiatique ne pourrait pas être plusà propospour l'ère d'Internet. C'est pourquoi il est dommage que le film de Giannoli, bien qu'ambitieux, exécuté avec confiance et plus qu'honorable, ressemble néanmoins à une sorte de relique.

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Cette production à grande échelle s'appuie sur des précurseurs comme celui de Carné.Les Enfants Du Paradis? a ouvertement hoché la tête ? mais souffre d'une sensation old-school quelque peu aérée, ne parvenant jamais vraiment à insuffler à la tradition du drame costumé de nouvelles énergies significatives. Avec son casting de luxe, il est susceptible de s'inscrire comme une pièce de prestige en France, où sa sortie est prévue en octobre, mais ailleurs, il est plus probable qu'il soit adopté principalement par des médias ayant une clientèle strictement traditionnelle.

Benjamin Voisin, du film de François Ozon, apporte une touche de jeunesse à un film un peu vieillissant.Été 85, incarnant le personnage de Lucien de Rubempré, un aspirant poète d'Angoulême qui devient une célébrité locale et conquiert le cœur de la vautoure de la culture aristocratique Louise de Bargeton (Cécile de France, profitant d'un rôle un peu fade). Alors que leur liaison menace de tourner au scandale, le couple s'enfuit à Paris, Lucien rêvant d'amour et de gloire littéraire. Mais Louise est informée par sa cousine la marquise d'Espard (une Jeanne Balibar sournoisement élevée) que la liaison risque de la compromettre et s'éloigne ainsi de son amant, contraint de se frayer un chemin dans la jungle de la vie parisienne.

Il se trouve que Lucien arrive en ville à une époque où une presse indépendante est en plein essor, grâce à l'imprimerie et à la montée du capitalisme. Sous la houlette du cynique journaliste Etienne Lousteau (Vincent Lacoste, excellent serpent), Lucien met sa poésie fleurie en veilleuse et maîtrise l'art de la critique littéraire et théâtrale ? perfectionner le zinger d'une ligne et rédiger des critiques élogieuses ou des dénigrements caustiques pour de l'argent. Cela le mènera à la gloire, pendant un certain temps, mais sa propre vanité, sa corruption croissante, son avidité de vie bonne et sa soif de vengeance l'égareront inexorablement.

En se concentrant judicieusement sur la deuxième partie du roman triptyque disgracieux de Balzac, Giannoli et ses co-auteurs mettent en avant tout ce qui rend le livre si remarquablement prémonitoire dans sa description des origines de la presse tabloïd et son application à notre propre ère médiatique. . Clickbait, contenu sponsorisé, fausses nouvelles, pêche à la traîne ? tout est déjà là dans le Paris de Balzac, où les carrières se faisaient et se détruisaient selon qui signait le chèque. Cela est parfois exprimé avec élégance et esprit ? le regretté grand Jean-François Stévenin excelle malicieusement dans le rôle du roi du Parisclaques, l'orchestrateur des foules payé pour applaudir ou huer au théâtre.

Il y a beaucoup de jus dramatique et une évocation vivante des mondes journalistique, théâtral et salon ? avec la conception de la production de Riton Dupire-Clément qui capture chaque détail jusqu'à l'aspect spécifique des journaux, des affiches et des créanciers ? factures. Le jeu des acteurs est également exceptionnel. Gérard Depardieu fait l'une de ses apparitions récentes les plus intéressantes en tant qu'épicier devenu éditeur avec un oeil sur le dollar le plus bas, André Marcon est un aristo provincial qui devient l'un des ennemis les plus redoutables de Lucien, et dans l'ensemble, tout le monde s'intègre le plus de manière convaincante dans Balzac ? l'univers. On remarquera notamment Salomé Dewaels dans le rôle de Coralie, la star de théâtre en herbe qui devient la maîtresse de Lucien et dont l'histoire laisse entrevoir une histoire de moi aussi typique de son époque (ironiquement, c'est cette actrice qui prouve le figure la plus franche et la plus digne de confiance de l'histoire, à ses risques et périls. Dewaels fait ressortir sa force et son caractère poignant avec un effet puissant. De même, Voisin joue toute la gamme des registres de Lucien, du rêveur aux yeux étoilés au faiseur de phrases terni en passant par le névrosé. l'homme du moment vaniteux, presque popstar (et bien sûr, ce n'est qu'un instant).

Pourtant, malgré toutes ses vertus considérables,Illusions perduesest une pièce lourde et excessivement sombre qui aurait pu fonctionner brillamment comme une mini-série judicieusement rythmée, mais qui dépasse son accueil en s'entassant trop dans une durée d'exécution exigeante. Et, bien qu'il tente de saisir le ton de la voix d'auteur typiquement omnisciente de Balzac, il s'agit d'un cas très délicat de raconter contre montrer, avec un narrateur en voix off (dont l'identité émerge dans une révélation finale) fournissant une exposition fastidieuse et prolixe de l'histoire. époque et son fonctionnement.

La cinématographie de Christophe Beaucarne est magnifique et évocatrice, avec une excellente utilisation des lieux parisiens, mais la palette de couleurs sourdes atténue la vivacité du film, sauf dans l'étrange séquence théâtrale flamboyante où il prend vie. Associé à la précision de la reconstitution d’époque, cela crée une certaine rigueur archivistique dont le film ne pourra jamais vraiment se débarrasser.

Sociétés de production : Curiosa Films, Gaumont

Ventes internationales : Gaumont,[email protected]

Producteurs : Olivier Delbosc, Sidonie Dumas

Scénario : Xavier Giannoli, Jacques Fieschi, Yves Stavridès, de Balzac

Cinematography: Christophe Beaucarne

Production design: Riton Dupire-Clément

Main cast: Benjamin Voisin, Cécile de France, Vincent Lacoste, Xavier Dolan