« Josep » : bilan du label Cannes 2020

Une représentation délicate de la façon dont l'artiste espagnol Josep Bartoli s'est échappé d'un camp de prison en France

Réal : Aurel. France/Espagne/Belgique. 2020. 74 minutes.

Une histoire de réfugiés et des conséquences cruelles d'un conflit armé,Josephdéploie une animation solennelle et touchante pour raconter la saga puissante d'une amitié improbable entre un gendarme français (fictif) et un combattant républicain espagnol (réel) enfermé dans un camp de concentration français au début de 1939. Josep Bartoli a fui la dictature de Franco et est arrivé en France avec 50 000 autres Espagnols et vétérans internationaux de la guerre civile espagnole, pour ensuite être traités de manière déplorable. Le travail de cet artiste talentueux est mis en lumière dans ce récit sombre mais finalement réconfortant sur la façon dont l'esprit humain fait face à des circonstances inhumaines.

À la fois dure leçon d’histoire et bonne histoire, cette initiative visuellement saisissante prend une dimension importante à une époque où les réfugiés représentent un pourcentage record de la population mondiale.

Parsemé d'actes de gentillesse petits mais décisifs,Josephrebondit dans le temps à travers cinq époques alors qu'un mourant revient sur le sectarisme et la sauvagerie dont il a été témoin au 20e siècle. Aurel, caricaturiste politique accompli et premier réalisateur de long métrage (qui s'est lancé dans le film en 2010), était fasciné par la puissance documentaire des dessins de Josep. Né à Barcelone en 1910, Bartoli est mort à New York en 1995, mais il aurait pu périr pendant la Seconde Guerre mondiale si un officier français ne l'avait pas aidé à s'enfuir. Bartoli était bien plus que de simples amis avec sa collègue artiste Frida Kahlo, avec qui il s'amusait au Mexique. Une Frida vigoureuse ajoute littéralement de la couleur à une histoire dont la palette a été réduite pendant une grande partie de sa durée. Dans son style sobre mais souvent d'une efficacité dévastatrice, le film rend à la fois hommage à Bartoli et au pouvoir du dessin lui-même.

Dessinateur magistral, Bartoli n'embellit pas la réalité, il la retranscrit un peu comme le ferait un journaliste. Serge, gendarme du camp, repère d'abord Josep en train de dessiner sur n'importe quelle surface disponible, y compris directement dans la terre. Serge est harcelé par deux gendarmes plus âgés et haineux, mais risque leur colère pour donner du papier et un crayon à Josep, même s'il doit ensuite uriner sur lui avec un mépris feint pour garder ses cruels collègues hors de son dos. Ils considèrent les réfugiés comme un fardeau non désiré, indigne d’un abri décent, de soins médicaux ou de nourriture.

Le scénario du collaborateur fréquent de Robert Guédiguian, Jean-Louis Milesi, ne nourrit jamais le public, faisant confiance aux téléspectateurs pour connaître les bases des bouleversements politiques des années 1930 et 1940, mais en complétant progressivement les détails souvent choquants.

Plus près de nos jours, nous rencontrons un adolescent français nommé Valentin, doué pour le dessin, coincé sur la banquette arrière de la voiture de ses parents alors qu'ils se rendent chez le père mourant de sa mère, Serge. Sa mère est harcelée et irritable, mais Valentin écoute bientôt les souvenirs de son grand-père sur ses expériences de gendarme fraîchement créé gardant un camp de réfugiés espagnols dans le sud de la France. Ses souvenirs expliqueront un dessin particulièrement poignant sur le mur représentant un mort à l'expression angoissée.

Serge et son petit-fils nous introduisent dans une histoire qui, par ailleurs, s'en tient essentiellement aux faits historiques. Comme le disent les vraies personnes secouées par l’histoire, Bartoli est tout à fait digne d’un long métrage d’animation. Ses œuvres d'art authentiques sont utilisées tout au long du film avec beaucoup d'effet. En plus de l'évasion dramatique de Josep, les moments forts incluent la recherche par Serge de la fiancée enceinte de Josep qui est montée à bord d'un train pour se mettre en sécurité présumée. Les tireurs d'élite sénégalais du camp, recrutés pour combattre en Europe, attendent leur heure de manière intéressante. Le travail vocal est excellent, avec des éloges particuliers pour Sergei Lopez dans le rôle de Josep.

À la fois dure leçon d'histoire et bonne histoire, cette initiative visuellement saisissante s'impose à une époque où les réfugiés représentent un record de 1 % de la population mondiale.

Production companies: Les Films d’Ici, Les Films du Poisson Rouge, Lunanime

Ventes internationales : The Party Film Sales,[email protected]

Producer: Serge Lalou

Décorateur : Aurel

Editeur : Thomas Bélair

Scénario : Jean-Louis Milesi

Distribution des voix : Sergi Lopez, Gerard Hernández, Bruno Solo, Silvia Perez Cruz