Une jeune étudiante française est de plus en plus désespérée d'obtenir un avortement clandestin dans le drame poignant d'Audrey Diwan.
Réal : Audrey Diwan. France. 2021. 99 minutes.
Alors que les législatures du monde entier s’opposent aux pro-choix, le deuxième film d’Audrey Diwan est à la fois opportun et important. Mais cela ne rend pas les quinze dernières minutes plus faciles à regarder. Adaptation des mémoires du même nom d'Annie Ernaux de 2001, basées sur sa propre expérience en tant qu'étudiante universitaire de 23 ans en 1963, titre du concours de VeniseÉvénementest sans compromis dans sa description de ce que les Françaises souhaitant interrompre leur grossesse étaient contraintes de subir avant que la ministre de la Santé, Simone Veil, n'introduise la loi légalisant l'avortement en 1975.
Des aiguilles à tricoter, des ciseaux et un outil d'avorteur serpentin traduit ici par « la baguette » ? figurent dans des scènes que de nombreux téléspectateurs regarderont, s’ils les regardent, à travers un rideau de doigts. Pourtant, bon nombre de ces mêmes téléspectateurs pourraient bien convenir que ces scènes doivent être regardées. Le message de Diwan est clair : c'est ce qu'Annie Ernaux a vécu, presque mourant, et c'est ce que subiront à nouveau les femmes si on leur refuse l'accès à l'avortement légal.
Pourtant siÉvénementconnaît lui-même des réticences de la part des distributeurs hors territoires francophones, ce ne sera pas uniquement parce qu'il regarde l'avortement en face. Il y a un léger manque de tension dramatique dans une grande partie de la période qui a précédé son déchirant final, avec trop de poids placé sur les épaules compétentes de l'actrice franco-roumaine Anamaria Vartolomei, qui a fait ses débuts à l'écran à l'âge de 12 ans dans le rôle de la fille d'Eva. Ionesco?Ma petite princesse. Elle réussit presque le défi qui lui est lancé : apparaître dans chaque plan d'un film tourné dans un rapport claustrophobe de 4:3, suivi de près par la fluide caméra portative de Laurent Tangy, dégageant un mélange convaincant de détermination et de fragilité dans son rôle d'Anne. , étudiante en littérature française au début des années soixante, consternée de se retrouver enceinte après une brève liaison.
Nous sommes avec elle, tout en restant un peu à distance, comme ceux qu'elle rencontre dans le film ? parce que sa stratégie est de se fermer, la bouche fermée, les yeux rivés sur l'objectif, jusqu'à ce que le travail soit terminé.ÉvénementLe moment le plus révélateur survient lorsqu'un sympathique pompier du bar de l'université demande à Anne ce qui la trouble, et elle répond : « Je suis seule ».
Dans son drame sur l'avortement, lauréat d'un Ours d'argentJamais Rarement Parfois Toujours, Eliza Hittman a utilisé une échelle de temps compressée pour créer une histoire tendue qui ressemblait à une longue respiration retenue. Peut-être excessivement fidèle à ses sources, le film de Diwan s'étend sur les 12 semaines précédant la crise finale, marquant chaque semaine d'un titre superposé. Mais cela permet au moins à Diwan et à sa co-scénariste Marcia Romano de situer la grossesse malvenue d'Anne dans un contexte social plus large. Étudiante en littérature à l'université d'Angoulême, Anne partage une chambre dans un dortoir pour femmes avec ses meilleures amies, la timide Hélène (Luana Bajrami) et la séduisante Brigitte (Louise Orry Diquero). Anne est une étudiante brillante, et sa grossesse ? confirmé par un médecin sympathique mais inutile ? vient comme une condamnation à mort. Il s'agit, comme Anne le raconte plus tard à son professeur, dans l'une des nombreuses lignes de dialogue un peu trop pointues, de « cette maladie qui transforme les Françaises en femmes au foyer ».
Un ami masculin à qui Anne demande de l'aide répond en faisant des avances sexuelles ? parce que bon, elle est déjà enceinte, donc il n'y a aucun risque ? et si elle l'a fait une fois, cela doit signifier qu'elle est prête à recommencer. Lorsqu'elle partage la nouvelle avec ses meilleurs amis, Brigitte, choquée, dit à Anne qu'elle ne peut pas se permettre de s'impliquer ? car quiconque encourage l’avortement est passible d’une peine d’emprisonnement. Ainsi, après des visites à ses parents bien intentionnés mais inaccessibles dans la ville rurale où ils tiennent un bar, et un week-end désastreux avec le père de son enfant à naître, qui veut juste que le problème disparaisse, Anne de plus en plus enfermée décide de prendre la solution entre ses mains, via une aiguille à tricoter chauffée.
À partir de maintenant,Événementdégénère en deux scènes finales déchirantes se déroulant dans le grenier d'un avorteur de rue, jouées avec une autorité glaciale par Anna Mouglalis. Tout le reste ? La détermination d'Anne à terminer ses études, sa nouvelle vocation pour l'écriture, sa détermination à ne pas avoir honte de réprimer sa sexualité ? est remplacée par la douleur et l'angoisse sur son visage alors qu'elle lutte pour ne pas crier dans cet appartement miteux aux murs fins comme du papier.
Une bande-son composée de notes de piano tenues et de cordes pincées agit comme un accompagnement efficace et discret aux semaines pendant lesquelles la vie et l'avenir d'Anne sont en suspens. Mais le choix stylistique le plus marquant du film est de livrer, à travers les costumes et la conception de la production, une version minimaliste du milieu des années soixante qui pourrait tout aussi bien être la France provinciale d'aujourd'hui, avec ou sans quelques cravates, vestes et rock ?n numéros de rouleau.
Société de production : Rectangle Productions
Ventes internationales : Wild Bunch,[email protected]
Producteurs : Edouard Weil, Alice Girard
Scénario : Audrey Diwan, Marcia Romano, d'après le roman du même nom d'Annie Ernaux
Scénographie : Diene Berete
Montage : Géraldine Mangenot
Photographie : Laurent Tangy
Musique : Eugène Galperine, Sacha Galperine
Main cast: Anamaria Vartolomei, Kacey Mottet Klein, Luana Bajrami, Louise Orry-Diquero, Louise Chevillotte, Pio Marmai, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis, Leonor Oberson, Fabrizio Rognone