Le psychiatre français Frantz Fanon et ses années de formation dans l'Algérie des années 1950
Réal : Jean-Claude Barny. France/Luxembourg/Canada 2024. 133min
Le psychiatre français Frantz Fanon a cristallisé la réflexion sur la façon dont le colonialisme prospère en déshumanisant les opprimés etFanondramatise une période de formation dans les années 1950 qu'il a passée en Algérie. La manière dont sa pensée politique a été aiguisée par son expérience personnelle en fait un drame captivant qui devrait plaire au public d'art et d'essai et fournir une introduction à Fanon à l'approche du centenaire de sa naissance en 2025.
Un aperçu fascinant des moments qui ont façonné la vie de Fanon
Lorsque Fanon (Alexandre Bouyer), d'origine martiniquaise, arrive en Algérie en 1953, il ressemble à un personnage saint de Sidney Poitier d'un film des années 1960. Beau, bien élevé et impeccablement habillé, il respire la confiance – mais est supposé être un serviteur portant les sacs de sa femme blanche Josie (Deborah François). L'hostilité envers un jeune professionnel noir se poursuit lorsqu'il prend ses nouvelles fonctions de directeur de division de l'hôpital psychiatrique de Blida Joinville. Son patron Darmain (un Olivier Gourmet suffisant et soyeux) semble légèrement amusé par toutes les idées inédites de Fanon.
Il devient vite évident que le racisme auquel il est confronté n’est pas personnel mais systémique. Les habitants algériens de Blida Joinville sont enchaînés, en camisole de force, confinés dans une pièce sombre et autorisés à se promener à la lumière du jour uniquement en récompense de leur bonne conduite. L'eau est rationnée même les jours les plus chauds afin d'éviter de jeter de l'urine sur le personnel. Fanon conduit littéralement les gens de l’obscurité vers la lumière, ouvrant les fenêtres, améliorant les installations et traitant tout le monde sur un pied d’égalité.
L'influence de Fanon sur le cinéma s'est fait sentir au fil des décennies, notamment dansLa bataille d'Alger(1965) et le documentaire d'Isaac JulienFrantz Fanon : Peau noire, masques blancs(1985). Il y a un air un peu sourd et démodé dans le regard de Jean-Claude Barny sur l'homme qui n'est pas désagréable. Le cliché dramatique d’un individu héroïque défiant les conventions s’étend progressivement pour donner une idée de la manière dont la domination coloniale française a fonctionné en Algérie et de la manière dont elle a brutalisé à la fois les opprimés et les oppresseurs. Le sergent de l'armée française Rolland (Stanislas Merhar) se distingue par la manière sauvage dont il maintient l'ordre et obtient des aveux, et pourtant, il apparaît lui aussi comme une victime de l'État.
Fanon construit une philosophie politique, dictant une série d’observations à son épouse Josie – qui est souvent mise à l’écart au cours de l’histoire. Le peu d'informations que nous glanons sur elle suggèrent qu'il aurait facilement pu y avoir un film entier consacré à la vie de Josie. Fanon en vient à croire que si les gens sont traités comme des animaux, ils ont toutes les raisons de prendre les armes contre leurs oppresseurs. Sa sympathie pour les Algériens et leur cause fait que sa compassion se transforme inévitablement en action.
Vous supposez que le budget a dicté la manière dont le réalisateur Jean-Claude Barry a abordé la représentation de l'Algérie dans les années 1950 ; le film semble souvent aussi sobre et sobre que son personnage central. Des murs jonchés de slogans, une attaque à la grenade ou de violentes représailles traduisent la tourmente en cours. La cinématographie blanchie par le soleil d'Ariel Methot met en valeur une terre dont la beauté est aux antipodes de la cruauté imposée à ses citoyens. Il y a suffisamment de texture d'oppression et d'actes de rébellion pour créer encore du suspense sur ce que Fanon pourrait faire et sur les conséquences pour lui-même et sa famille.
Rempli de tensions croissantes et de dilemmes moraux,Fanonse construit en un aperçu convaincant des moments qui ont façonné la vie de Fanon et il pourrait bien s'asseoir confortablement dans une double programmation avec l'autre film Fanon de 2024 du réalisateur algérien Abdenour Zahzah :Véritables chroniques de l'hôpital psychiatrique de Blida Joinville au siècle dernier, lorsque le Dr Frantz Fanon était chef du cinquième service entre 1953 et 1956.
Sociétés de production : Special Touch Studios, Webspider, Peripheria, Paul Thiltges Distributions.
Ventes internationales : Special Touch Studios [email protected]
Producteurs : Sébastien Onomo, Louise Genis-Cosserat, Adrien Chef, Paul Thiltges, Yanick Létourneau.
Scénario : Philippe Bernard, Jean-Claude Barny
Photographie : Ariel Méthot
Scénographie : Audrey Hernu
Editing: Maxime Lahaye
Musique : Thibault Kientz Agyeman, Ludovic Louis
Main cast: Alexandre Bouyer, Deborah Francois, Olivier Gourmet, Stanislas Merhar