« Tout le monde aime Jeanne ? » : Critique de Cannes

Une femme tente de distancer ses démons intérieurs dans cette charmante comédie de Céline Devaux

Dir/scr: Céline Devaux. France/Portugal. 2022. 97 mins

Jeanne (Blanche Gardin) est une femme qui peine à tenir le coup alors qu'elle est au bord de la faillite. Ses nerfs épuisés prennent une forme sensible alors que des créatures animées ressemblant à des trolls dessinées par des lignes surgissent de son subconscient pour se moquer et l'aiguillonner. Parfois, ils improvisent des routines entières de chants et de danses, basées sur ses insécurités ou ses récentes humiliations publiques. Dans d'autres mains, ce dispositif aurait pu s'avérer un peu usant, mais la scénariste, réalisatrice et animatrice Céline Devaux a un style visuel engageant et anarchique et un sens de la malice qui s'avère irrésistible. Ses voix intérieures poilues et animées, ainsi que les performances de premier ordre de Gardin et Laurent Lafitte, élèvent cette comédie romantique pétillante en quelque chose d'assez spécial.

Cela confirme en outre Devaux comme un talent à surveiller.

C'est le retour à Cannes pour Devaux, dont le court métrage d'animationDéjeuner du dimanchea été sélectionnée pour jouer en Compétition Officielle et a remporté le César du meilleur court métrage d'animation en 2016. Elle a ensuite remporté le Lion d'or de Venise du meilleur court métrage en 2017 pourTout ira bien,et son premier long métrage s’appuie sur la promesse de ce travail précédent. Dans la combinaison de l'action en direct et de l'animation dessinée à la main, ainsi que du rôle féminin erratique à bout de souffle, il y a une parenté avec le succès du festival d'Yngvild Sve Flikke.Ninjabébé, et les deux films partagent également une approche vivifiante et irrévérencieuse de l’humour. Ce devrait être un titre d'intérêt pour les distributeurs d'art et d'essai à la recherche de films qui trouvent le juste équilibre entre crédibilité et contenu optimiste et qui plaira au public. Et cela confirme encore Devaux comme un talent à surveiller.

Nous rencontrons Jeanne, qui dirige une entreprise qui a développé un appareil permettant de récolter les microplastiques de l'océan, au moment même où ses rêves s'effondrent, sa réputation et un prototype extrêmement coûteux. Elle se rend compte tardivement qu'elle est la seule garante d'emprunts massifs qu'elle ne pourra jamais espérer rembourser. Ses voix intérieures suggèrent que se jeter sous un bus pourrait être la meilleure solution. Au lieu de cela, elle se rend à Lisbonne pour vendre la maison où elle et son frère ont vécu une relation difficile avec leur défunte mère.

Dans la mort, comme dans la vie, la mère a rendu les choses difficiles ? elle a choisi de se suicider en sautant d'un pont l'année précédente, ce qui n'améliore guère la santé mentale déjà fragile de Jeanne. Mais à l'aéroport, en chemin, Jeanne aperçoit Jean (Lafitte) alors qu'il vole à l'étalage une paire de lunettes de soleil peu flatteuses. Il la reconnaît comme une ancienne camarade du lycée français de Lisbonne, la fille que tout le monde aimait. Le chœur grec de haine de soi de Jeanne l'accueille avec dérision. Mais Jeanne, qui est au stade de sa spirale dépressive où elle se retrouve à chercher sur Google « un très gros chien très gentil avec bébé ? juste pour avoir un bref aperçu de bonheur, est intriguée malgré elle.

Le commentaire gonk animé ajoute à la comédie, mais en fait, une grande partie de l'humour du film vient des réactions expressives de Gardin envers les hommes qui l'entourent. Sa mortification consternée, pas tout à fait masquée par une appréciation polie, lorsque son ex-petit ami Vitor (Nuno Lopes) lui joue une chanson post-coïtale sur sa guitare acoustique est une masterclass de jeu d'acteur en réaction. La musique est intelligemment déployée ailleurs : lorsqu'une étincelle romantique s'enflamme dans le public pour une performance d'une chorale d'enfants, la douceur des voix tranche le cynisme de l'humour du film et livre le charmeur d'une fin de bien-être.

Production Company: Les Films Du Worso

Ventes internationales : Elle Driver[email protected]

Producers: Sylvie Pialat, Benoît Quainon

Photographie : Olivier Boonjing

Montage : Gabrielle Stemmer

Création artistique : Artur Pinheiro

Musique : Flavien Berger

Main cast: Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual, Nuno Lopes, Marthe Keller