C'est comme d'habitude pour Isabelle Huppert dans le thriller psychopathe de Benoît Jacquot
Dir. Benoît Jacquot. France. 2017. 100 mins.
Personne ne fait du mystérieux, du lointainfemmes fatalesun peu comme Isabelle Huppert – mais ce n'est pas parce qu'un personnage de Huppert est énigmatique qu'il est fascinant. Aussi difficile que cela puisse paraître, le rôle-titre de Huppert dansÉvaC'est à peu près comme d'habitude pour l'actrice. Elle a souvent collaboré de manière stimulante avec le réalisateur prolifique et imprévisible Benoît Jacquot – plus récemment dans le film de 2009Villa Amalia –mais ce thriller psycho-thriller élégant et cérébral, avec des accents de Chabrol et d'Ozon, la trouve inhabituellement en roue libre. Le film pourrait voyager dans le sillage du succès d'Huppert dans le film de Paul VerhoevenElle, mais cet exercice nébuleux et cool n'offrira de surprises ni aux observateurs d'Huppert ni aux adeptes du psychodrame français haut de gamme.
Le film emprunte ce qui semble être un chemin très détourné vers une impasse
Adapté d'un roman de James Hadley Chase de 1945, Jacquot'sÉvaest très différent de la version de Joseph Losey de 1962, qui mettait en vedette Jeanne Moreau et Stanley Baker – même si les références passagères à Venise, jamais visitée ici, semblent être un clin d'œil au lieu de ce film. Le protagoniste de Jacquot est Bertrand (Gaspard Ulliel), un jeune homme aux mœurs douteuses qui vole le texte dactylographié d'une nouvelle pièce d'un romancier anglais fané lorsque ce dernier est victime d'une crise cardiaque. La prochaine fois qu'on le verra, la pièce connaîtra un énorme succès à Paris, et personne ne se doute que la renommée soudaine de Bertrand est le résultat du travail de quelqu'un d'autre.
Avec son producteur Régis (Richard Berry) qui s'appuie sur lui pour imaginer une nouvelle création, Bertrand est coincé, mais sa petite amie Caroline (Julia Roy, la star et scénariste du dernier film de JacquotJamais Jamais) lui propose de visiter le chalet alpin de ses parents pour une pause écriture. En arrivant sur place, il découvre que des inconnus sont entrés par effraction – ce qui lui vaut un coup péremptoire à la tête de la part de l'impérieuse Eva (Huppert).
Il s'avère qu'Eva est une prostituée haut de gamme basée à Annecy, où se trouve actuellement la pièce de Bertrand. Cherchant l'inspiration pour la pièce qu'il devra éventuellement écrire, Bertrand poursuit sa fascination croissante pour Eva, payant pour passer du temps avec elle et finissant par coucher avec elle, même si leur relation semble devenir plus que de simples affaires. Pendant ce temps, il s'avère que l'histoire d'Eva, mariée à un marchand d'art prospère et souvent absent, n'est vraie que jusqu'à un certain point...
Évase structure comme un multiple jeu du chat et de la souris, où Bertrand et Eva se sondent, et Régis et Caroline se doutent de plus en plus qu'il se passe quelque chose chez Bertrand ; pendant ce temps, l'action zigzague de manière confuse entre Paris et Annecy, laissant à Bertrand suffisamment de temps pour un regard renfrogné contemplatif lors des voyages en train. Jacquot, à son meilleur, est passé maître dans l'art de nous taquiner avec des labyrinthes narratifs alléchants et de faux fils, mais ici nous nous retrouvons vite à perdre tout intérêt pour l'énigme de la direction que prennent les choses : le film emprunte ce qui semble être un chemin très détourné vers une impasse. D'une certaine manière,Évapourrait presque être une parodie de cette souche française de fiction introspective à saveur littéraire sur la création de la fiction – une formule retravaillée avec beaucoup plus de ludique dans le récent ouvrage de Roman Polanski.Basé sur une histoire vraie.
Quant à Huppert, elle a déjà fait des prostituées sur papier glacé, de manière plus malicieuse, notamment dans la comédie de Jeanne Labrune de 2010.Traitement spécial– et son activité ici avec ses perruques et ses promenades tranquilles dans les couloirs des hôtels ressemble un peu à une rediffusion du personnage de ce film. Avec Huppert en pilote automatique, l'atout du film est le loup Ulliel en tant qu'anti-héros antipathique et égocentrique ; Pourtant, avec le succès mondain et sa possible perte comme seuls véritables enjeux du drame, il devient de plus en plus difficile de se soucier de ce qui arrive à quiconque ici. Pourtant, du côté positif, le style de montage abrupt de Julia Gregory donneÉvaun rythme qui n'est décidément pas conforme aux règles.
Société de production : Macassar Productions
Ventes internationales : Europacorp,www.europacorp.com
Producers: Marie-Jeanne Pascal, Mélita Toscan du Plantier
Scénario : Gilles Taurand, Benoit Jacquot, d'après le roman de James Hadley Chase
Photographie : Julien Hirsch
Conception artistique : Katia Wyszkop
Editeur : Julia Grégory
Musique : Bruno Coulais
Main cast: Isabelle Huppert, Gaspard Ulliel, Julia Roy, Marc Barbé, Richard Berry