« Par la grâce de Dieu » : Revue de Berlin

Le long métrage dramatisé de François Ozon s'attaque aux abus sexuels commis sur des enfants par l'Église catholique de Lyon

Dir. François Ozon. France. 2019. 137 mins.

Tout au long de sa carrière, le prolifique et super polyvalent François Ozon a oscillé de manière alléchante entre l'espièglerie stylée (le De Palma-esqueL’Amant Double) et un mode dramatique plus sérieux (comme dans pièce historiqueFrantz), mais presque toujours avec un côté très provocateur. Ses partisans pourraient être surpris en regardantPar la grâce de Dieu, pour découvrir qu'Ozon prend non seulement les choses très au sérieux, mais aussi en mission : un reportage de style docudrame, retraçant les progrès d'un mouvement de survivants d'abus sexuels perpétrés par un prêtre catholique.

Ozon a réalisé le drame le plus conventionnel de sa carrière, non sans quelques inventions formelles.

Conçu à un moment donné comme un documentaire, ce récit romancé suit la formation du groupe La Parole Libérée (traduit par « Lift the Burden ») en réponse aux abus pédophiles historiques du père Bernard Preynat et à une réponse pour le moins inadéquate sur la partie de la hiérarchie catholique de Lyon. Au-delà de sa dimension plus désinvolte et de son jeu stylistique habituel, Ozon a réalisé le drame le plus conventionnel de sa carrière, non sans quelques inventions formelles.

Superbement joué et hautement contrôlé, le film n'offre pas un divertissement facile, son rythme lent et son sens important de la responsabilité narrative en font un visionnage intense pendant des périodes prolongées. Le film sera salué pour son intégrité et pour avoir mis cette affaire, et la question des abus commis par les prêtres en général, sous le feu des projecteurs (en effet, le drame d'exposé américainMettre en lumièreest sournoisement référencé dans un seul plan). Ce film inhabituellement solennel est susceptible d'être admiré et utilisé comme tremplin pour le débat sur le circuit des festivals et ailleurs, plutôt que de gagner l'amour du public.

Tout commence en 2014, quand Alexandre Guérin (Melvil Poupaud), avocat et père de famille catholique lyonnais, apprend que le père Preynat (vétéran de la Nouvelle Vague Bernard Verley), qui l'a maltraité durant son enfance, est de retour à Lyon, et toujours autorisé par l'Église à travailler avec les enfants. Il prévient le cardinal Philippe Barbarin (François Marthouret), et témoigne auprès d'une psychologue du cabinet cardinalice, Régine Maire (Martine Erhel). Elle organise une rencontre entre Alexandre et Preynat, qui reconnaît ses crimes ; mais il apparaît clairement que l’Église n’entend pas défroquer Preynat, mais seulement l’amener à demander pardon.

Alexandre est bien décidé à aller plus loin, tout comme d'autres victimes de Preynat. L'un d'entre eux est François Debord (Denis Ménochet) - désormais athée, tandis qu'Alexandre conserve sa foi - qui se met énergiquement au travail en tant que militant avec une campagne en ligne, tandis qu'une enquête policière, dirigée par le chef Courteau (Frédéric Pierrot), est également en cours. . Les chances de poursuivre Preynat sont entravées par le délai de prescription selon lequel des affaires plus anciennes ne peuvent plus être portées, mais des victimes plus jeunes émergent – ​​notamment Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud), un jeune homme au milieu familial dysfonctionnel et au présent mouvementé, dont les souvenirs de ses épreuves déclenchent des convulsions.

L'un des atouts majeurs du film est sa structure tripartite, déplaçant le centre narratif d'Alexandre à François puis à Emmanuel. Bien qu'il n'y ait qu'un petit nombre de pics dramatiques - notamment d'intenses disputes domestiques dans les sections François et Emmanuel - la qualité du jeu des acteurs fait autorité partout, tant de la part des acteurs principaux (notamment le puissant jeune Arlaud) que des seconds rôles. , dont Marthouret, dont le cardinal adoucit continuellement les accusateurs avec une rhétorique rassurante mais vide de sens.

Mais ce qui pose plus problème, c'est l'aspect épistolaire du film, avec des lettres et des documents en voix off qui nous tiennent au courant des événements, mais provoquent un certain degré de traînée dramatique. Cela va cependant de pair avec la décision d'Ozon d'honorer les victimes de Preynat en les laissant témoigner de première main, véhiculant un plus grand poids de chagrin vécu que s'il avait reconstitué leurs expériences d'enfance : seuls quelques flash-backs décrivent le contexte de leurs épreuves. , généralement lors de séjours en camping, sans rien montrer d'explicite et intrusif.

Le film est irréprochable en termes d'intégrité, de minutie et d'actualité, les titres finaux soulignant qu'à l'heure actuelle, l'affaire Peyrat et ses répercussions sont toujours une question d'urgence, dont l'issue reste à décider. En attendant, si frivole que cela puisse paraître, les admirateurs d'Ozon seront probablement soulagés lorsqu'il reviendra dans l'un de ses registres les plus pointus, ce qui - connaissant son inépuisable productivité - ne tardera sûrement pas.

Sociétés de production : Mandarin Production, Foz

Ventes internationales : Playtime,[email protected]

Producteurs : Éric Altmayer, Nicolas Altmayer

Scénario : François Ozon

Photographie : Manu Dacosse

Editor: Laure Gardette

Conception des décors : Emmanuelle Duplay

Musique : Evgeny & Sacha Galperine

Main cast: Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud, Bernard Verley, Josiane Balasko