La France a été l’un des premiers pays à exiger des streamers qu’ils investissent dans le secteur local de la production cinématographique et télévisuelle. Trois ans plus tard, son impact se fait sentir.
Une étude approfondie du CNC et de l'Autorité de régulation de l'audiovisuel française Arcom publiée fin novembre a révélé l'impact de l'introduction de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (DDSM) en France sur le secteur du cinéma et de la télévision du pays.
L'AVMSD exige que les streamers américains investissent au moins 20 % de leur chiffre d'affaires annuel dans le cinéma et la télévision locaux. Selon le rapport, cela a donné à l'industrie française un coup de pouce financier de près de 1,05 milliard de dollars (1 milliard d'euros).
Entre 2021 et 2023, les trois grands acteurs, Netflix, Disney+ et Amazon Prime Video, ont dépensé au total 907 millions de dollars (866 millions d’euros) dans l’industrie locale. Pour le cinéma, cela s'est principalement traduit par l'acquisition, au stade du financement, des droits de seconde fenêtre sur des titres majoritairement français.
« Cette intégration ambitieuse des plateformes est bénéfique pour tous », a déclaré Olivier Henrard, président par intérim du CNC, lors de l'annonce de la publication du rapport en novembre.
Lorsque les streamers ont commencé à fonctionner en France, l'industrie cinématographique du pays craignait que son sacro-saint système de financement ne soit mis à mal par les perturbateurs du marché. Cependant, le rapport suggère que les plateformes américaines ont augmenté le nombre et la taille des sorties en salles grâce à leurs préachats, augmenté les budgets moyens des films en production et trouvé un moyen de travailler en harmonie avec les diffuseurs locaux.
Netflix a été le premier bailleur de fonds sur la période, investissant dans 66 films et programmes TV, représentant 40,2 % de l'investissement total des projets en France par les streamers.
Prime Video suit avec 53 titres de films et de télévision pour 32,3 % du total et Disney+ avec une part de 22 % avec 36 projets de films et de télévision.
Apple TV+, Paramount+ et Max représentaient à eux deux un total de neuf projets.
Le rapport note que les trois grands streamers ont investi dans un total de 81 films entre 2021 et 2023, dont environ les deux tiers avaient un budget supérieur à 4,3 millions de dollars (4 millions d'euros). Les préachats de la deuxième vitrine TV ont représenté 79 % de l'ensemble de leurs dépenses.
Le budget moyen d'un film soutenu par un streamer était de 9,1 millions de dollars (8,7 millions d'euros), contre un budget de 4,7 millions de dollars (4,5 millions d'euros) pour une coproduction majoritaire française typique dans laquelle aucun streamer n'était impliqué.
Quelque 24 % des films préachetés par Netflix ont un budget supérieur à 15,7 millions de dollars (15 millions d'euros), contre 14,3 % pour Disney et 11,1 % pour Prime Video. Les investissements de Netflix incluent les 37,4 M$ (35,7 M€) de Gilles LelloucheCoeurs battants, la production française au plus gros budget de Studiocanal à ce jour ; il devient également le film le plus performant du distributeur au box-office local, atteignant 4,7 millions d'entrées. Netflix a également acquis le biopic de Mehdi Idir et Grand Corps Malade, pour 36,3 millions de dollars (34,6 millions d'euros).Monsieur Aznavour, un succès local pour Pathé avec plus de 2 millions de billets vendus à ce jour.
Disney+ a préacheté le biopic en deux parties sur Charles de Gaulle, produit par Pathe Films, pour 39,5 millions de dollars (37,7 millions d'euros), tandis que Prime Video a investi dans 33 millions de dollars (31,5 millions d'euros).Notre Dame On Fire.
Au total, 28 % des films français soutenus par les streamers avaient un budget supérieur à 10,5 M$ (10 M€), alors qu'aucun n'avait un budget inférieur à 1,05 M$ (1 M€). Le rapport note l'espoir que les streamers pourraient trouver un équilibre entre des projets à plus gros budget et des titres indépendants plus petits à l'avenir.
Les films soutenus par les streamers sortis dans les salles françaises entre 2021 et 2023 ont réalisé en moyenne 308 000 entrées. C'est 44 % de plus que la fréquentation moyenne de l'ensemble des longs métrages labellisés CNC sortis sur la même période.
Aller de l'avant
Le rapport note qu'en ce qui concerne le cinéma, les streamers se concentrent sur les titres de fiction en direct, les secteurs de l'animation et du documentaire n'ayant pas encore récolté de bénéfices. Celui de Sylvain ChometLa magnifique vie de Marcel Pagnolet celui de Raoul PeckErnest Cole : Perdu et retrouvéétaient les seuls titres d'animation et de documentaire respectivement soutenus par un streamer. Les deux étaient soutenus par Netflix.
Prime Video n'a pas investi dans l'animation entre 2021-2023. En 2023, Netflix a investi 4,3 % de ses dépenses françaises dans l’animation, alors que Disney n’a investi que 1,6 % en 2023.
Pour l’avenir, le rapport appelle à une plus grande transparence financière de la part des streamers. Il a également souligné que des adaptations supplémentaires de la part des trois grands et de l'industrie française seraient probablement nécessaires après l'arrivée en France de la deuxième vague de plateformes : Apple TV+, Max de Warner Bros Discovery, Paramount+ et Crunchyroll de Sony.