Les nouveaux chefs de la Berlinale exposent leur vision pour le festival de cette année

Tous les regards sont tournés vers la première édition de la Berlinale, organisée par le directeur artistique Carlo Chatrian, venu du Locarno Film Festival, et la directrice exécutive Mariette Rissenbeek, ancienne directrice générale de l'organisation de promotion German Films.

Ils discutent des changements qu'ils ont apportés, des réactions négatives contre le chef du jury Jeremy Irons et des films et cinéastes à surveiller.

Comment avez-vous présenté votre vision de la Berlinale à l’industrie internationale ?

Carlo Chatrian :Nous avons présenté notre vision du cinéma. Nous avons dit que nous voulions conserver l'histoire et la tradition de la Berlinale et que nous avions apporté quelques changements. Nous avons voulu donner encore plus de place à ce qui se passe actuellement au cinéma et c'est la raison principale pour laquelle nous avons créé [nouveau concours] Rencontres, qui défend des voix nouvelles et audacieuses. J'ai également parlé de ma vision personnelle du cinéma, qui est plus liée au langage du cinéma qu'au sujet du film. Mais les deux choses vont de pair quand le film est bon.

Comment avez-vous convaincu un cinéaste comme Philippe Garrel, qui présente habituellement ses films en avant-première à Venise et à Cannes, de venir pour la première fois à la Berlinale ?

CC :Nous avons eu des discussions avec Vincent Maraval [responsable de Wild Bunch, qui s'occupe de Garrel'sLe sel des larmes], non seulement sur ce film mais sur d’autres films. J'admire le travail de Vincent et son goût pour le cinéma. La Berlinale est un lieu important pour Wild Bunch. Nous avons deux films d'eux [en Compétition],Le sel des larmesetSupprimer l'historiquede Benoit Delépine et Gustave Kervern, et tous deux sortiront en France après la Berlinale. Il est important que Wild Bunch ait un festival qui puisse soutenir la sortie en France et à l'étranger.

Est-ce une coïncidence ou est-ce une nouvelle politique du festival selon laquelle il n'y a pas de films en compétition de Netflix ou d'Amazon ?

CC :Nous avons eu des discussions avec Netflix et Amazon. Il y a eu des discussions autour de projets individuels, sur des projets qui ne seront pas prêts cette année mais qui le seront peut-être l'année prochaine.

Mariette Rissenbeek :Pour les titres en compétition, nous avons pour politique qu'un film doit avoir une sortie en salles planifiée.

Dans son pays d'origine ou en Allemagne ? Sur toute la longueur de la vitrine du théâtre allemand ?

M:Ce n'est pas stipulé.

CC :Nous préférons discuter film par film. Nous avons cette règle que nous considérons tous les deux comme une bonne règle car elle nous permet un certain degré de liberté et dit que l’expérience théâtrale est importante. Une position en noir et blanc n'est pas bonne car elle n'aide pas les films.

Six des 18 films (33 %) réalisés ou co-réalisés par une femme sont en baisse par rapport à sept sur 16 (44 %) de l'année dernière, bien qu'ils soient en hausse par rapport à la moyenne mobile quinquennale de 26 %. Combien de longs métrages de réalisatrices ont été présentés cette année ?

M:Il était de 31,1% sur l'ensemble de la Berlinale. Et dans la section organisée de la Berlinale, 38 % des films sont réalisés par des réalisatrices.

Qu'avez-vous retenu de la réaction négative contre la nomination de Jeremy Irons comme président du jury ?

M:Nous sommes conscients depuis le débat MeToo qu’il y a plus de sensibilité dans ce sens. En même temps, nous nous sentions très à l'aise de l'inviter à présider le jury, car Jérémie avait déjà révisé ses déclarations un ou deux ans après les avoir faites. Ce n'était pas quelque chose que nous pensions, lorsque nous lui avons posé la question, qu'il nous gênerait.

Que recherchez-vous chez un président de jury ?

CC :Ce que Jeremy a dit, c'est qu'il avait hâte de rencontrer et de discuter de films avec ses collègues jurés. Ce qui est pour moi la meilleure chose à dire en tant que président du jury. C'est un rôle très important et il sera la personne qui ouvrira la discussion et donnera la possibilité à chacun d'entrer avec son propre parcours, ses goûts et ses émotions.

Le président aura-t-il la voix prépondérante ?

CC :Généralement, c'est le président du jury qui fixe les règles. Au final, ils s'assoiront tous ensemble et décideront des films à récompenser. C'est le meilleur scénario car ils n'ont pas besoin de voter, c'est une discussion organique. Nous avons des films dont nous sommes conscients qu'ils ont besoin d'un peu de temps pour bien comprendre ce qu'ils impliquent et c'est quelque chose que je soulignerai au jury avant de commencer son travail.

Parmi les films eux-mêmes, que peut-on attendre de l'un des plus attendus,DAU. Natacha? Il s'agit d'un film tiré de la longue série controversée de longs métrages, de projets d'arts visuels et d'installations live DAU.

CC : DAU. Natachaest un film qui remet en question la notion de film. J'ai été fasciné par ce projet car c'est quelque chose qui arrive très rarement dans l'histoire du cinéma, qu'un projet aussi énorme soit réalisé dans un contexte artistique.

Des récits forts sur le concept de pouvoir peuvent parfois être très difficiles à accepter, mais c'est aussi une réflexion intéressante sur le concept de contrôle, qui va au-delà du récit du film. Le film peut être regardé comme un seul film par un spectateur qui ne connaît rien de l'ensemble du projet DAU.

Quels réalisateurs allemands ont retenu votre attention lors du processus de sélection ?

CC :Nous avons Christian Petzold et Burhan Qurbani en compétition. Petzold est l'un des cinéastes les plus éminents du cinéma contemporain allemand et l'Alexanderplatz berlinois de Qurbani est l'un des projets les plus attendus. Dans Encounters, nous avons le premier long métrage d'une jeune réalisatrice appelée Melanie Waelde intituléAnimaux nus. Pour moi, cela a été l'une des surprises du processus de sélection. Le film raconte l'histoire d'un groupe de jeunes qui semblent vivre sans aucun lien avec leurs parents.

Parfois, cependant, un nouveau regard vient de cinéastes pas très jeunes. Également dans Rencontres, nous avonsOrphée, réalisé par Alexander Kluge [87 ans] avec Khavn [De La Cruz], un réalisateur philippin, qui raconte l'histoire d'Orphée et Eurydice d'un point de vue féminin. L'âge n'est pas toujours la chose la plus importante.