Ladj Ly et l'équipe des Misérables parlent de la chaleur et d'une victoire en Coupe du monde pour la candidature de la France aux Oscars

Le réalisateur Ladj Ly et les producteurs Toufik Ayadi et Christophe Barral parlent de l'espoir de la France aux OscarsLes Misérables.

Six mois extraordinaires pour le cinéaste Ladj Ly et les producteurs Toufik Ayadi et Christophe Barral, l'équipe derrièreLes Misérables, un premier long métrage incendiaire capturant les tensions entre jeunes et policiers dans une banlieue parisienne socialement défavorisée. Le trio se pince encore en faisant le point sur le parcours du film, depuis sa première inattendue en Compétition Cannes en mai – où il a remporté le prix du jury avecBacurau, et a obtenu un accord de 1,5 millions de dollars pour les droits américains sur Amazon Studios – pour sa sélection comme candidat français aux Oscars.

QuandÉcranAprès avoir retrouvé Ayadi et Barral dans les bureaux parisiens de leur maison de production SRAB Films, Ly est en pleine tournée nationale d'avant-premières avant la sortie en salles françaises du long métrage par Le Pacte le 20 novembre. Le film a également récemment fait ses débuts chez Colcoa French Film Festival à Los Angeles. Des marque-places de table du dîner de gala d'ouverture des cinéastes Michael Mann et Taylor Hackford sont assis sur une étagère sous le certificat encadré du prix du jury de Cannes pourLes Misérables.

« Michael Mann a présenté le film et Taylor Hackford a animé la séance de questions-réponses. C'est par pur hasard que ce soient eux mais ce sont des références absolues pour nous tous. Ladj saitChaleuretSang entrant, sang sortantpar cœur », dit Ayadi, faisant référence au thriller classique de Mann de 1995 et au film de Hackford de 1993 sur trois cousins ​​pris dans la culture des gangs chicanos de Los Angeles.

C'est une aventure qui a commencé en 2015. À l'époque, Ly était surtout connu comme un réalisateur de courts métrages de guérilla qui avait documenté la vie dans son quartier des Bosquets, à Montfermeil, dans la banlieue difficile de Paris, pendant près de 20 ans. La plupart des films ont été réalisés sous la bannière du collectif Kourtrajmé dirigé par Kim Chapiron, Romain Gavras et Toumani Sangaré au début des années 1990 avec le soutien de Mathieu Kassovitz et Vincent Cassel.

Ayadi et Barral avaient récemment créé la société parisienne SRAB Films, qui tire son nom d'un terme d'argot français signifiant « compagnon ». Le couple s'est rencontré à l'origine en tant que producteurs débutants chez Les Films Du Worso, la société de production de la célèbre productrice d'art et essai Sylvie Pialat (Tombouctou,Étranger au bord du lac), où ils co-dirigent le département courts métrages.

Talents miniers

La création du SRAB s'est faite naturellement puisque le duo a ensuite réalisé des longs métrages avec de nombreux talents avec lesquels ils s'étaient liés via des courts métrages, comme Julien Guetta (L'outil de dépannage) and Nadege Loiseau (Un petit pain au four). Deux des courts métrages de Ly —365 Jours A Clichy-Montfermeil, capturant les émeutes qui ont secoué son quartier en 2005, etPassez à une connexion rapide, un faux documentaire sur le commerce du cannabis dans les rues de Montfermeil, a retenu l'attention du duo de producteurs.

« Nous lui avons envoyé un message via Facebook et lui avons demandé si nous pouvions nous rencontrer autour d'un café », se souvient Ayadi.

Ly avait toujours hésité à travailler avec des producteurs. "Je voulais rester indépendant mais ils avaient vraiment envie de travailler avec moi alors nous nous sommes rencontrés", raconte le cinéaste. "Nous sommes de la même génération avec des objectifs similaires, donc c'était logique."

Bien que l'idée d'un long métrage ait été discutée dès le début, le trio a décidé de réaliser d'abord un court métrage ensemble. «Les shorts sont notre département de recherche et développement», explique Barral. «Ils nous aident à développer des idées, à avoir une idée de ce qu'est un réalisateur et à savoir si nous pouvons travailler avec eux.»

La collaboration a été facilitée par le fait qu'Ayadi et Barral ont eu accès à une enveloppe de financement spéciale du Centre national du cinéma (CNC) pour les courts métrages, grâce à leur palmarès réussi en tant que producteurs d'environ 25 courts métrages. "Il s'agit d'un fonds axé sur les producteurs, qui nous permet de donner le feu vert à un court projet sur la base d'un synopsis en deux lignes sans avoir à faire valider le scénario ou le cinéaste par le CNC", explique Ayadi. "Cela nous a permis d'offrir carte blanche à Ladj."

Le duo avait déjà réalisé une opération similaire avec le réalisateur franco-colombien Franco Lolli, en produisant dans un premier temps son premier court métrage en 2012.Rodriavant de collaborer sur son deuxième long métragePlaideur, qui a ouvert cette année la Semaine de la Critique à Cannes.

Ly a passé un an à écrire le scénario du court métrage – qui servira également de cadre au long métrage – avec son ami de longue date Alexis Manenti, autre membre du collectif Kourtrajmé. Il a ensuite choisi Manenti comme l'un des trois protagonistes policiers aux côtés de son ami d'enfance Djibril Zonga, qui travaillait alors comme mannequin après une brève carrière de footballeur.

Manenti, qui avait déjà plusieurs génériques de films à son actif, a présenté Ly au troisième co-star du film, Damien Bonnard. Ayadi et Barral connaissaient également Bonnard car il avait joué dans le drame de 2016Rester vertical, produit par Les Films Du Worso. Le reste du casting était composé de jeunes et d'adultes du quartier de Ly's Bosquets.

Le court métrage — également intituléLes Misérables— tourné à l'été 2016 et présenté en première au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand en janvier 2017. Il parcourra le circuit des festivals et sera nominé aux César français en février 2018. Parallèlement, le trio développe et élève déjà financer le long métrage. "Notre plus grande crainte était de ne pas pouvoir augmenter le budget car le casting, que nous souhaitions vraiment garder intact, n'était pas assez connu", explique Ayadi.

Ils ont finalement obtenu le soutien de Canal+ et Ciné+, qui avaient également soutenu le court métrage et ont apprécié le résultat, et de la Commission du Film d'Île-de-France. Le projet n'ayant pas pu bénéficier de l'avance sur recettes du CNC, Edouard Weil de Rectangle Films - avec qui Ayadi et Barral avaient déjà travaillé surL'outil de dépannage– est intervenu pour combler le déficit financier.

Victoire à domicile

Le long métrage a finalement été tourné au cours de l'été 2018, à la suite de la victoire de la France en Coupe du Monde de la FIFA et d'une canicule torride, dont Ly a intégré le film. Ayadi dit que les tensions maussades qui imprègnent le film dissimulent l'atmosphère positive sur le plateau alors que Ly tournait sur place dans le quartier. « Ladj était chez lui là-bas, tout le monde le connaît et tous les habitants du quartier ont soutenu la production », raconte Ayadi.

Il révèle que la dernière scène puissante, dans laquelle la confrontation entre les jeunes et les policiers tourne à la violence, a été tournée pendant deux jours dans la cage d'escalier entre le quatrième et le cinquième étage d'un immeuble local. « Nous l'avons tourné pendant la journée, pendant que les habitants travaillaient », raconte-t-il.

Le trio développe déjà un deuxième long métrage, un biopic sur le défunt maire socialiste Claude Dilain qui a œuvré pour améliorer les conditions de vie dans la grande couronne parisienne. Quel que soit le résultat des récompenses pourLes Misérables, cette collaboration fructueuse devrait se poursuivre.