« L'origine du mal » : Revue de Venise

Laure Calamy dirige un casting puissant dans le thriller tortueux de Sébastien Marnier

Réal/scr : Sébastien Marnier. France/Canada. 2022. 123 minutes.

Les fortunes familiales et les querelles entre parents forment une base solide pour un thriller sinueux, parfois fleuri, dansL'origine du mal. Le troisième long métrage de Sébastien Marnier, aprèsL'école est finie(2018) etIrréprochable(2016), ressemble à un hommage au Ripley de Patricia Highsmith, mettant en vedette un personnage central glissant adepte de la tromperie et de la réinvention. Il y a aussi un écho deÀ couteaux tirésalors que Marnier retrace les tensions dans une maison où les habitants ressemblent à un nid de vipères. Ces connexions et clins d’œil à Agatha Christie, Claude Chabrol et d’autres devraient facilement attirer les fans de mystère. Laure Calamy et un casting puissant ajoutent un attrait supplémentaire à ce qui pourrait s'avérer une attraction commerciale solide et grand public lors de sa sortie en salles françaises en octobre.

Il devient vite évident que rien n'est tout à fait ce qu'il paraît dans cette aventure enjouée.

Le cinéma français récent a présenté Calamy comme des femmes indomptables, combattant des obstacles difficiles dans leur voyage de découverte de soi (Sa manière,Annie en colère). Marnier utilise sa présence sympathique et sa vulnérabilité émotionnelle pour servir un personnage plus ambigu dansL'origine du mal. Stéphane (Calamy) travaille dans une usine de poisson. Son amant impétueux (Suzanne Clément) est à mi-chemin d'une peine de cinq ans de prison. La vie de Stéphane est une vie de lutte et de survie. Il n’est guère surprenant qu’elle tende enfin la main à son père Serge (Jacques Weber), longtemps absent et fabuleusement riche. Mais est-elle après son argent ou cherche-t-elle simplement le confort d’un lien familial qu’elle a rarement connu ?

Serge vit dans le genre de maison insulaire somptueuse qui pourrait accueillir avec bonheur un méchant de Bond. Marnier contraste vivement la différence de leurs circonstances : Stéphane partage un appartement exigu et faiblement éclairé dans une vie de désespoir ; Serge vit dans le luxe, sa maison pleine de lumière et de signes de privilèges. Il pourrait également devenir une scène de crime avec des fusils accrochés aux murs et des couteaux de cuisine tranchants à portée de main.

L'apparition soudaine de Stéphane ébouriffe instantanément les plumes de l'épouse de Serge, Louise (Dominique Blanc) et de son autre fille George (Doria Tillier). Même une femme de chambre qui écoute aux portes n'apprécie pas son intrusion. Marnier utilise l'écran partagé pour isoler les individus dans la même conversation, les présentant comme une galerie de suspects voyous dans un polar de Christie.

Entourée de ressentiment, Stéphane renforce sa réputation en racontant un petit mensonge sur le fait de posséder une entreprise de conserve de poisson, plutôt que d'admettre qu'elle travaille dans une usine. Cela la rend d'autant plus sympathique, mais c'est un signe précoce de sa capacité à improviser, à étendre la vérité et à plaire aux autres. Elle convainc Serge qu'elle pourrait être son alliée pour empêcher le reste de la famille de le déclarer incompétent pour gérer ses affaires.

Il devient vite évident que rien n’est tout à fait ce qu’il paraît dans cette aventure enjouée. Le scénario agile de Marnier nous emmène au-delà des apparences superficielles pour révéler les intentions cachées en jeu. Propulsé par des révélations, des rebondissements et un assaisonnement d'humour sournois,L'origine du malest très regardable, même si certains ingrédients le propulsent vers la parodie. L'évocation d'un passage secret et les grondements du tonnerre annonçant le dénouement prochain autour d'un pouding aux œufs, sans oublier la partition de Philippe Brault et Pierre Lapointe, flirtant avec le mélodrame victorien.

Les machinations intelligentes de l’intrigue sont toujours soutenues par une solide distribution d’ensemble jouant à fond la vérité émotionnelle des situations. Weber révèle peu à peu le monstre rusé et impénitent de Serge. Blanc est un plaisir constant dans le rôle de Louise, joyeuse et étonnamment astucieuse, une femme pour qui le shopping excessif est la meilleure vengeance. Le caractère d'acier et dur à cuire de Tillier grandit dans notre estime à mesure que nous découvrons contre quoi elle se bat. Et Calamy séduit tout au long, surtout lorsque la caméra cadre son visage et capture des moments d'anxiété tremblante et de rires nerveux invisibles pour ceux qui l'entourent. C'est quelqu'un qui négocie une vie sans filet de sécurité.

Sociétés de production : Avenue B Productions, Micro_Scope, Poison Productions

Ventes internationales : Charades,[email protected]

Productrice : Caroline Bonmarchand

Cinematography: Romain Carcanade

Scénographie : Damien Rondeau

Editing: Jean-Baptiste Beaudoin, Valentin Feron

Music: Philippe Brault, Pierre Lapointe

Main cast: Laure Calamy, Suzanne Clement, Doria Tillier, Dominique Blanc