Dir Lone Scherfig. Danemark/Canada/Suède/Allemagne/France. 2019. 112 minutes
Les petits actes de générosité prennent de l'ampleur comme des boules de neige, dans un film qui suit le principe du « payer au suivant ». Le premier film de Lone Scherfig tourné aux États-Unis est soigneusement apolitique dans la mesure où il ne donne jamais la parole à la rhétorique trumpienne, se concentrant plutôt sur la nature du creuset de New York. Mais il y a un argument avancé ici selon lequel quelque chose est brisé dans une société dans laquelle une grande partie de la population est à cause d'un mariage brisé ou d'un chèque de paie manqué, loin des soupes populaires et de l'hypothermie. C'est une image au grand cœur, certes, mais qui travaille obstinément son message.
Un côté légèrement manipulateur met à mal la question légitime au cœur du film
Il s'agit du premier film de Scherfig pour lequel elle dispose du seul crédit d'écriture depuisItalien pour débutantset c'est son scénario auto-écrit le plus ambitieux à ce jour. Il partage avec son film révolutionnaire de 2001 une structure d’ensemble et un sentiment de vies fatalement liées. Mais oùItalien pour débutantsétait sobre et sans fioritures dans son approche – c’était le cinquième projet danois Dogme –La gentillesse des étrangerss'articule plutôt autour de ses thèmes. Le concours de Berlin a fourni à Scherfig le tremplin vers une carrière internationale aprèsItalien pour débutantsa remporté le Prix du Jury en 2001. Avec son approche plus conventionnelle et ses excès quelque peu mélodramatiques,La gentillesse des étrangerssemble moins adapté à l’arène des festivals et pourrait mieux s’en sortir en tant que sortie en salles de niveau intermédiaire.
Le décor de Manhattan (le film a été tourné à New York, Toronto et Copenhague) juxtapose parfaitement les extrêmes d'une société polarisée entre les ultra-riches et les plus démunis. Pour Clara (Zoe Kazan) et ses deux fils, c'est la promesse d'une nouvelle vie de conte de fées. Ayant fui son mari violent pendant qu'il dormait, elle entretient le plus longtemps possible l'idée qu'ils sont « en vacances », même si elle organise des fêtes pour voler des canapés et fouille dans les poubelles à la recherche de nourriture.
Les poubelles appartiennent à un restaurant russe qui, après une longue période de déclin, a retrouvé une nouvelle vie sous la direction du nouveau directeur Marc (Tahar Rahim). Il vient avec sa propre histoire qui est expliquée, dans l'une des nombreuses pièces d'exposition extrêmement inélégantes, lors d'un « atelier sur le pardon » animé par l'infirmière d'urgence Alice (Andrea Riseborough) pendant son temps libre.
Alice est le ciment empathique qui unit les différents brins de l'histoire – elle dirige également une soupe populaire, où elle rencontre pour la première fois le malheureux Jeff (Caleb Landry Jones, agissant à mi-vitesse). Jeff, à qui on a dit tout au long de sa vie qu'il était inutile, s'épanouit lentement après qu'Alice lui ait fait des éloges généreux (mais totalement injustifiés). En périphérie de l'histoire se trouve Timofey (Bill Nighy, retrouvant Scherfig après son rôle qui lui a volé la scène.Leur meilleur). Il est le propriétaire du restaurant russe et un ami de la sainte Alice dont la seule indulgence est une assiette de caviar occasionnelle. Et il fournit, de manière quelque peu discordante, des plans au relief comique qui allègent sporadiquement le ton de l'image.
De tous les acteurs, Kazan est celui qui semble le plus en phase avec son personnage. Son espoir est friable, comme le sourire qui s'effrite juste avant qu'elle ne parvienne à cacher son désespoir. Comme elle l'a démontré dansLa ballade de Buster Scruggs, jouer des survivants vulnérables mais courageux est son point fort. Riseborough, quant à elle, a une tâche plus ingrate avec un personnage qui se définit presque entièrement par sa bonté essentielle. Les anglophones non natifs comme Rahim et Esben Smed, qui incarnent le mari violent de Clara, sont mis au défi par le matériel, devenant de moins en moins convaincant à mesure qu'ils sont tenus d'exprimer leurs émotions. Et tous sont mal servis par un acte final qui semble s’effondrer même s’il noue visiblement tous les brins d’un grand arc optimiste.
L'image est dominée par des choix musicaux autoritaires qui servent d'outil de navigation à travers l'histoire à plusieurs volets. Et c'est cette qualité légèrement manipulatrice qui porte atteinte à la légitimité, quoique légèrementPaddington-une question typique, au cœur du film : pourquoi les gens ne peuvent-ils pas simplement être gentils ?
Sociétés de production : Creative Alliance, Strada Films
Ventes internationales : HanWay Films[email protected]
Producteurs : Sandra Cunningham, Malene Blenkov
Scénario : Lone Scherfig
Conception des décors : Carol Spier
Montage : Cam McLaughlin
Photographie : Sébastien Blenkov
Musique : Andrew Lockington
Acteurs principaux : Zoe Kazan, Andrea Riseborough, Tahar Rahim, Jack Fulton, Caleb Landry Jones, Jay Baruchel, Bill Nighy