Jan-Gabriel Pierot utilise des images d'archives pour dresser son portrait de la vie ouvrière française sur 70 ans
Réalisateur/scr : Jean-Gabriel Périot. France. 2021. 83 minutes
De retour à Reims(Retour a Reims (Fragments)) construit une réflexion passionnante sur la vie ouvrière en France au cours des 70 dernières années. Librement adapté des mémoires de Didier Eribon de 2009, le documentaire de Jean-Gabriel Périot associe une mosaïque d'images d'archives à l'histoire d'une famille pour évoquer de manière vivante les courants changeants de la vie politique de la nation. Œuvre émouvante et stimulante, elle devrait attirer un public politiquement engagé en France, où Jour2Fete sera distribué, ainsi qu'un grand intérêt pour les festivals à l'échelle internationale.
Densément rempli d'idées et d'images
Le livre d'Eribon raconte son retour dans la ville natale qu'il avait abandonnée trente ans plus tôt. La mort de son père a été un catalyseur pour renouer avec sa mère. Explorer l’histoire familiale avec un regard neuf lui a permis d’affronter les questions d’identité, de politique et sa honte d’appartenir à la classe ouvrière.
De retour à Reimsconserve l'essence du travail d'Eribon tout en écartant certains des éléments les plus personnels, notamment son homosexualité et ses conflits avec son père homophobe. Au lieu de cela, Adele Hanel raconte l'histoire d'un enfant prodigue qui rentre à la maison et d'une réconciliation qui suscite une discussion sur la vie d'une mère, son mariage et les opportunités qu'elle n'a jamais eues.
Raconté en deux mouvements et un épilogue,De retour à Reimsutilise des extraits judicieusement choisis de films, de documentaires et de reportages télévisés pour illustrer son histoire. Les extraits vont des œuvres de Jean Vigo et Jean Renoir en passant par Godard jusqu'à Jean Rouch, Pialat et Coline Serreau. L'histoire d'une famille ouvrière typique révèle sans cesse des vérités plus larges. Le ? Des fragments ? devient comme une liste d’accusations, alors que Periot considère le rôle de l’éducation, du logement, des soins de santé et du travail d’une chaîne de montage en usine dans un ordre social inflexible conçu pour garder chacun à sa place.
Les enfants terminent l’école dès l’âge de 13 ans, puis travaillent très tôt dans la tombe pour offrir une vie décente à leur famille. Nous entendons parler d'une femme de 36 ans qui a subi 20 avortements. Un nettoyeur qui ne sait ni lire ni écrire. Le logement social décrit comme ? camps de concentration par tranches.? Une adolescente devait transporter des sacs de pommes de terre pesant 25 kg. Il y a un refrain mélancolique tout au long de ce qui aurait pu être, des chemins non parcourus, mais aussi une résignation lasse que les choses soient ainsi. Les femmes acceptent de vivre dans un monde d'hommes. On demande à un homme dans un pub pourquoi il choisit de socialiser avec ses amis masculins et où sa femme pourrait être ce soir-là. Il répond : ? La femme reste à la maison pour faire le ménage. Ce n'est pas notre travail.
Le premier mouvement deDe retour à Reimsest un voyage vers une lecture plus approfondie de l’histoire sociale des années 1950, 1960 et au-delà. Le narrateur est capable de comprendre les forces qui ont façonné les parents et peut-être d’acquérir plus de sympathie pour eux. Le deuxième mouvement devient plus intensément politique, alors que Periot retrace la manière dont le vote de la classe ouvrière blanche est passé d’un soutien instinctif à la gauche à un soutien au Front national. Il détaille la montée du racisme et la manière dont le racisme est devenu un moyen pour la classe ouvrière blanche de se sentir supérieure à ceux qui étaient encore plus mal lotis qu'eux.
Densément rempli d'idées et d'images,De retour à ReimL'histoire séduit facilement ceux de gauche, mais les éléments humains et les histoires personnelles devraient lui permettre d'aller plus loin. Plutôt que de déplorer la futilité de la recherche du changement, Periot termine par un vibrant cri de ralliement pour la gauche et une affirmation selon laquelle la montée des grèves et des manifestations (y compris les gilets jaunes) signale une résurgence du pouvoir populaire en France.
Production company: Les Films De Pierre, ARTE France, INA
Ventes internationales : The Party Sales[email protected]
Productrice : Marie-Ange Luciani
Photographie : Julia Mingo
Montage : Jean-Gabriel Périot
Musique : Michel Cloup
Narration : Adèle Haenel