Arnaud Desplechin ouvre Cannes 70 avec audace et panache.
Réal : Arnaud Desplechin. France. 2017. 115 minutes
Un conte d'une complexité jubilatoire dans un conte, peut-être dans un autre conte, celui d'Arnaud Desplechin.Ismael’s Ghosts (Les Fantômes d’Ismaël)Il en ressort la familiarité vécue d'un réalisateur qui connaît parfaitement ses personnages et l'audace et le panache d'un créateur dont les créations sont encore pleines de surprises, même pour lui. Si vous souhaitez nommer Carlotta, une protagoniste, et vous servir de la musique de Bernard Hermann, vous feriez mieux de vous divertir d'une main sûre. Desplechin livre haut la main grâce à un excellent casting et une histoire tantôt sérieuse, tantôt drôle qui ne s'arrête jamais et ne devient prévisible.
Les histoires rebondissent dans le temps mais sont pleines de suspense et intrigantes plutôt que déroutantes.
Après une ouverture hors compétition à Cannes le 17 mai et une diffusion forcément populaire en France à partir du même jour (également en version 130 minutes), ces fantômes semblent destinés à hanter les maisons d'art partout dans le monde.
Tout cinéphile attentif devrait être capable de naviguer dans cet épisode indépendant même s'il est salé et poivré d'éléments récurrents d'autres sorties de Desplechin. Il serait criminel de délimiter quels aspects doivent être pris au pied de la lettre et lesquels sont mieux classés sous un tour de passe-passe narratif, mais voici le cadre de base.
Ismaël (Mathieu Amalric, dans sa septième escapade avec Desplechin), cinéaste, se décrit comme veuf. Il a épousé Carlotta (Marion Cotillard) alors qu'elle n'avait que 20 ans. Quelques années plus tard, elle a disparu sans laisser de trace. Aucun corps ni aucune preuve de jeu déloyal n'ont jamais été retrouvés. Son père, Henri Bloom (Lazlo Szabo), âgé de 80 ans et plus, un célèbre réalisateur, pleure sa perte depuis deux décennies, tout comme Ismael, qui a finalement été obligé de faire classer Carlotta comme « disparue » par les autorités, réticent à la faire classer légalement Carlotta comme « disparue ». déclaré « mort ».
Comme il est un type créatif de Central Casting, Ismael boit avec excès, fume beaucoup et prend plusieurs pilules pour lutter contre les horribles cauchemars qui tourmentent son sommeil. Ismaël et Henri sont très proches. Ils ont en commun le tourment de ne pas savoir ce qu'est devenu le même être cher, mais Ismaël admire aussi les forces d'Henri en tant qu'artiste.
Près de 20 ans après la disparition de Carlotta, Sylvia (Charlotte Gainsbourg) rencontre Ismael lors d'une soirée. C'est une astrophysicienne apparemment austère et quelque peu primitive (oui, vraiment) et elle est le seul personnage à apporter une contribution occasionnelle via une voix off. Ismael – vu à travers ses yeux et les nôtres – est à la fois fringant et insupportable.
Pendant ce temps, un groupe d'hommes diplomates de carrière réunis dans un restaurant spéculent sur le sort du frère d'Ismael, Ivan (Louis Garrel aux cheveux presque énervants), qui est officiellement diplomate, peut-être un espion. Des flashbacks nous font revivre l'entretien d'embauche surréaliste d'Ivan au ministère des Affaires étrangères, sa rencontre avec l'exotique Arielle (Alba Rohrwacher) et certains des moments forts de sa vie de représentant de la France à l'étranger, encouragé par le fait qu'il parle déjà six langues et possède un talent pour en ajouter davantage.
Ismael et Sylvia entament une relation sérieuse et mutuellement satisfaisante. Puis, un jour sur la plage de leur maison de campagne, une femme prétendant être l'épouse d'Ismael surgit de nulle part. Cue un tour de montagnes russes émotionnelles.
Rien de tout cela n’est présenté de manière linéaire conventionnelle ; les histoires rebondissent dans le temps mais sont pleines de suspense et intrigantes plutôt que déroutantes. Un très grand nombre de volets séparés sont terminés de manière satisfaisante avant le générique de clôture.
Certains pourraient protester qu’Amalric, Cotillard et Gainsbourg ont tous joué des rôles similaires par le passé, et ils auraient raison. Mais si vous avez besoin d’un homme agité ou d’une femme distante, peut-être folle, pourquoi ne pas embaucher le meilleur ? De plus, ce trio est plutôt doué pour représenter les contours charnels fougueux de l’âge moyen.
Dans un tournant flamboyant, Hippolyte Girardot devient Zwy, le producteur exécutif naturellement fatigué d'Ismael.
Desplechin aime les miroirs et les reflets. Sa caméra zoome ou avance sur les visages jusqu'à ce qu'ils remplissent l'écran. Son casting dégage la bonne dose d’émotion, peu importe d’où la caméra l’observe. Il joue même avec des allusions de bouleversement mental de style hollywoodien vintage (rétroprojection ! double exposition !) alors qu'Ismael monte dans un compartiment de train jusqu'au lieu de naissance de Desplechin, la ville industrielle de Roubaix.
La partition – un mélange astucieux de musique originale et source – est un excellent compagnon pour plusieurs niveaux d’intrigue.
Sociétés de production : Why Not Productions, France 2 Cinéma
Ventes internationales : Wild Bunch
Producer: Pascal Caucheteux
Scénario : Arnaud Desplechin, Julie Peyr, Léa Mysius,
Photographie : Irina Lubtchansky
Montage : Laurence Briaud
Scénographie : Toma Baqueni
Musique : Grégoire Hetzel
Main cast: Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Lazlo Szabo, Charlotte Gainsbourg, Charlotte Gainsbourg, Louis Garrel, Alba Rohrwacher, Hippolyte Girardot