« J'étais, je suis, je serai ? : Revue de Munich

Un drame de style « Carte verte » va plus loin que prévu dans ce deuxième long métrage assuré

Dir Ilker Çatak. Allemagne, France. 2019. 122 minutes

Les mondes entrent en collision avec des conséquences considérables en IQuoi, je suis, je serai (la parole compte). Le deuxième long métrage d'Ilker Çatak mélange le personnel et le politique pour créer un mélodrame romantique réfléchi et convaincant qui devrait trouver un écho auprès du public allemand lors de sa sortie en salles en août. Les thèmes d'actualité pourraient également lui donner une modeste implantation théâtrale à l'échelle internationale.

Les points forts de l'approche mature et discrète de Çatak résident dans les petits détails et les textures de la narration.

Çatak prend un familierCarte verte-style et l'investit avec une sensibilité aux personnes et aux problèmes qui est plus profonde que prévu. Il commence par le mariage de Marion (Anne Ratte-Polle) et Baran (Ośulcan Arman Uslu). Il s’agit d’une affaire délicate et superficielle qui ressemble plus à une réunion d’affaires qu’à une joyeuse célébration. En trois chapitres, il raconte ensuite l’histoire des mariés avant d’aborder ce qui leur arrive ensuite.

Le couple semble être l’incarnation individuelle d’un monde très divisé. Le Kurde Baran a 23 ans, un ancien soldat qui vit désormais dans la rue. Ambitieux pour un avenir meilleur, il trouve du travail dans un bar de la station touristique de Marmaris sur la Riviera turque. Il passe de lave-vaisselle à serveur et gigolo. On retrouve des échos à ceux de Lauren CantetCap vers le sudou Ulrich Seidl?Amour paradisiaquedans la façon dont il fait partie du commerce du sexe, répondant aux besoins de vacances des touristes féminines audacieuses. Il y a aussi un désir chez Baran qui le rend attachant plutôt que calculateur. « Je veux être avec toi en France, ? il avoue sincèrement à un client. « En fait, c'est la Belgique » répond-elle avec indifférence.

Marion est une pilote de ligne allemande d'une quarantaine d'années. Calme, compétent et sereinement indépendant. Lorsqu'on lui diagnostique un cancer, son petit ami Raphael (Godehard Giese) réserve des vacances à Marmaris. « La Syrie et la Corée du Nord étaient vendues ? » taquine-t-elle. Elle considère Baran avec un scepticisme amusé alors qu'il essaie de se frayer un chemin dans sa vie. L’offre imprudente de mariage et d’éventuelle citoyenneté allemande est motivée par la compassion plutôt que par une quelconque notion de romance.

Ce qui se passe après le mariage devient l’aspect le plus fascinant de l’histoire. Les actes instinctifs de gentillesse de Marion créent un attachement croissant pour Baran. Ses tentatives pour apprendre l’allemand, trouver un emploi et s’intégrer dans son nouveau pays d’origine deviennent le moyen d’explorer les préjugés individuels et collectifs.

Rien ne semble forcé ou violemment polémique dansJ'étais, je suis, je serai.Çatak reste concentré sur le niveau humain alors que le couple est confronté au genre de dilemmes qui auraient pu alimenter un mélodrame de Douglas Sirk ou de Fassbinder. Une bande sonore utilisant des pièces de Debussy, Tchaïkovski et Mozart ajoute à la qualité réflexive du film. Les points forts de l'approche mature et discrète de Çatak résident dans les petits détails et les textures de la narration. Une étagère de dossiers dans la maison de Marion en comprend un marqué « Baran » indiquant qu'il est plus un projet qu'une personne. La joie de Baran face à sa première paire de lunettes de vue nous dit à quel point il a été privé de nombreuses choses qu'un occidental privilégié comme Marion pourrait considérer comme allant de soi.

Çatak a également le sens du casting. L'alchimie tendre entre Anne Ratte-Polle (qui joue dans des séries téléviséesSombre)et le nouveau venu O?ulcan Arman Uslu crée un couple crédible et très sympathique qui porte l'émotion du film jusqu'à sa conclusion inattendue mais satisfaisante.

Production company: if? Productions, Loin Derrière l?Oural

Ventes internationales : Niveau K,[email protected]

Producer: Ingo Fliess

Scénario : Nils Mohil, Ilker Çatak

Production design: Zazie Knepper

Montage : Jan Ruschke, Sascha Gerlach

Photographie : Florian Mag

Musique : Marvin Miller

Main cast: Anne Ratte-Polle, O?ulcan Arman Uslu, Godehard Giese