« Daaaaaali ! » : Revue de Venise

Le cinéaste surréaliste Quentin Dupieux capture l'essence du grand maître du mouvement dans ce biopic très divertissant

Réal/scr : Quentin Dupieux. France. 2023. 79 minutes

Un surréaliste des derniers temps rend hommage à un père fondateur légendaireDaaaaaali !– mais pas avec respect, ni d’une manière qui doit beaucoup à la cohérence biopic traditionnelle. Cette réflexion géniale et délicate sur le mythe et la mystique du peintre-showman Salvador Dalí est la dernière en date dufarceurQuentin Dupieux. À venir seulement un mois après sa création à LocarnoYannick– et un an après le biopic de Mary HarronDaliland, avec Ben Kingsley arborant les moustaches cirées – le dernier né du prolifique one-man-band du cinéma français voit Dupieux à nouveau écrire, tourner et monter, même si le terme « montage » sous-estime ici son exploit de filage de plaques.

Moins sur Dalí lui-même, plus sur la difficulté de capturer son essence mercurielle

Daaaaaaali !Il s'agit moins de Dalí lui-même que de la difficulté de capturer son essence mercurielle. Les Daliniens avides voudront voir comment le film traite leur idole mais, surtout, le statut culte de Dupieux donnera à cette joyeuse fantaisie une traction de niche dynamique.

Se déroulant apparemment au début des années 80, le film implique ostensiblement les tentatives d'une journaliste, Judith (Anaïs Demoustier, une habituée de Dupieux), d'interviewer le monstre sacré extravagant du surréalisme. Comme elle l'explique à la caméra au début, elle est encore en train de trouver ses marques dans son métier et elle attend nerveusement dans une chambre d'hôtel l'arrivée du grand homme ; l'apparition d'une chèvre blanche laisse penser que la suite ne relèvera pas strictement du réel.

Dalí (Édouard Baer) arrive, un dandy grandiloquent aperçu pour la première fois arpentant un couloir apparemment sans fin ; mais il refuse d'être interviewé sous forme imprimée et ne daigne parler que devant une « caméra cinématographique ». Judith trouve un producteur, Jérôme (Romain Duris), qui l'encourage à filmer Dalí, et elle se dirige vers le sud pour le capturer sur son propre terrain – où son sujet fait échouer le tournage en insistant pour être conduit sur la plage dans sa Rolls Royce. .

La vanité capricieuse de Dalí semble sur le point de faire chavirer le projet de Judith. Pendant ce temps, l'artiste et son impérieusement énigmatique épouse Gala (Catherine Schaub Abkarian) sont invités à un dîner quelque peu macabre par un prêtre (Eric Naggar) qui insiste pour raconter un rêve banal, dans l'espoir de soutirer à son invité une œuvre d'art vendable. C'est là que le film débouche sur une structure délirante et – à la manière typique de Dupieux qui attire le public – délibérément répétitive du rêve dans un film dans un film.une histoire dans une digression.

Nous sommes déjà venus ici au cinéma, mais c'est là le problème : Dupieux commet allègrement une contrefaçon totale du style de l'ancien collaborateur de Dalí, Luis Buñuel, notamment à la fin de sa période française (Le charme discret de la bourgeoisie,Le Fantôme de la Liberté). Tout comme Buñuel a accentué l'absurdité de ces films en adoptant les tons plats de la comédie bourgeoise, Dupieux adopte lui aussi un mode visuel pince-sans-rire, dans lequel c'est la construction d'un château de cartes plutôt que l'imagerie extravagante qui nous tient hypnotisés – de nombreux malgré les gags visuels inspirés.

Dans une autre touche buñuelienne, Dupieux interprète plusieurs acteurs pour incarner Dalí : Baer, ​​Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Gilles Lellouche et Didier Flamand (dans le rôle de Dalí dans la vieillesse), tous entrant et sortant du rôle apparemment au hasard alors qu'ils incarnent l'homme à la vieillesse. différents âges, avec différentes intensités et avec différents riffs déchirant les consonnes sur la prestation légendairement martelée de l'artiste.

Demoustier, qui a interprété toute une série de variations ingénues dans les films de Dupieux, offre quant à elle l'une de ses performances les plus engageantes à ce jour. Elle donneDaaaaaali !une ligne de base de normalité perplexe alors que la femme essaie de maintenir sa carrière et sa dignité sous le bombardement de l'ego masculin grandiose de Dalí et de Jérôme.

Dupieux joue tous les tours dans la boîte surréaliste vintage des supercheries de l’appareil photo –trompe l’oeil, mouvement vers l'arrière et tout. Le fait que ces appareils soient d'occasion fait partie du plaisir, ce qui fait écho aux spéculations comiques du film sur l'originalité artistique et la falsification. Thomas Bangalter, ancien de Daft Punk, apporte une partition acoustique cliquetante conçue soit pour vous rendre fou à cause d'une monotonie volontaire, soit pour vous mettre sous la peau comme une paume de fourmis dansUn Chien Andalou.

Société de production : Atelier de Production

Ventes internationales : Kinologiegmelin@kinologie.eu

Producteurs : Thomas Verhaeghe, Mathieu Verhaeghe

Photographie : Quentin Dupieux

Production design: Joan Le Boru

Montage : Quentin Dupieux

Musique : Thomas Bangalter

Main cast: Anaïs Demoustier, Édouard Baer, Jonathan Cohen, Romain Duris